mercredi 6 août 2025

La Gestalt-théorie

 Quand Sartre décrit la gestalt théorie :

« J'ai rendez-vous avec Pierre à quatre heures. J'arrive en retard d'un quart d'heure : Pierre est toujours exact ; m'aura-t-il attendu ? Je regarde la salle, les consommateurs, et je dis : "Il n'est pas là." (...) "J'ai tout de suite vu qu'il n'était pas là"... Il est certain que le café, par soi-même, avec ses consommateurs, ses tables, ses banquettes, ses glaces, sa lumière, son atmosphère enfumée, et les bruits de voix, de soucoupes heurtées, de pas qui le remplissent, est un plein d'être. Et toutes les intuitions de détail que je puis avoir sont remplies par ces odeurs, ces sons, ces couleurs... Mais il faut observer que, dans la perception, il y a toujours constitution d'une forme sur un fond. Aucun objet, aucun groupe d'objets n'est spécialement désigné pour s'organiser en fond ou en forme : tout dépend de la direction de mon attention. Lorsque j'entre dans le café, pour y chercher Pierre, il se fait une organisation synthétique de tous les objets du café en fond sur quoi Pierre est donné comme devant paraître... Chaque élément de la pièce, personne, table, chaise, tente de s'isoler, de s'enlever sur le fond constitué par la totalité des autres objets et retombe dans l'indifférenciation de ce fond, il se dilue dans ce fond. Car le fond est ce qui n'est vu que par surcroît, ce qui est l'objet d'une attention purement marginale. (...) Je suis témoin de l'évanouissement successif de tous les objets que je regarde, en particulier des visages, qui me retiennent un instant ("Si c'était Pierre ?") et qui se décomposent aussi précisément parce qu'ils "ne sont pas" le visage de Pierre. Si, toutefois, je découvrais enfin Pierre, mon intuition serait remplie par un élément solide, je serais soudain fasciné par son visage et tout le café s'organiserait autour de lui, en présence discrète »

Jean-Paul Sartre, L'être et le néant, essai d'ontologie phénoménologique, Gallimard/Tel, 1943, p. 43-44


samedi 2 août 2025

 "Dans la détresse de notre vie, cette science [la science objective] n'a rien à nous dire. Les questions qu'elle exclut par principe sont précisément les questions qui sont les plus brûlantes à notre époque malheureuse pour une humanité abandonnée aux bouleversements du destin : ce sont les questions qui portent sur le sens ou sur l'absence de sens de toute cette existence humaine"

Edmund Husserl

samedi 31 mai 2025

Citation di jour

 "La poésie, pour sa part, n'est nullement l'ennemie du philosophique. Placer des limites à la pensée conceptuelle n'est pas dénier la valeur des opérations que celle-ci effectue dans son champ propre, c'est même les renforcer en les délivrant de quelques pseudo-objets, pour suggérer à leur place d'autres catégories de pensée, où s'ouvre cette fois la dimension de la finitude"

Yves BONNEFOY, "La parole poétique", Université de tous les savoirs, Yves MICHAUD (dir.), Odile Jacob, 2002, p.92

mercredi 6 novembre 2024

 Nous sommes au téléphone depuis une dizaine de minutes, je ne suis pas du tout à l'aise :

—Attends s’il te plaît, lui dis-je, donne-moi encore un peu de temps …

Elle : tu veux dire du temps à perdre ?

Moi : comment ça du temps à perdre ? J’ai simplement besoin de réfléchir, tu peux comprendre ça ?

Elle : Non, pas du tout. Parce que ce n'est pas la première fois que tu me le demandes, pour moi c’est du temps gaspillé…

Moi : !?…

Elle (imperturbable) :Voilà, comme à ton habitude, tu ne dis plus rien dès qu'on te fait des objections…, tu fais semblant d'ignorer que le temps dont nous disposons dure autant que celui qui n’est pas gaspillé.

Moi (perplexe et inquiet) : tu veux dire qu’on n’a pas beaucoup de temps, et que le reste …

Elle (victorieuse) : …le reste est perdu, il est sans importance ! Nous n'avons que ce temps… Je t’aime, c'est certain et c'est maintenant, et je sais que tu m’aimes, tu me le répètes depuis des mois "je t'aime, je t'aime", alors qu’as-tu besoin de réfléchir encore et encore ?

Moi (par devers moi) : c’est vrai, ce qu'elle dit, , mais de là à prendre un engagement…!

Elle : Allô, à quoi penses-tu ? Attends, je crois lire dans tes pensées, toujours les mêmes, n'est-ce pas ? Tu te demandes, en gros, comment accepter d'être heureux ici, maintenant, alors qu'il y a tant de souffrances autour de nous, tant d'incertitudes, tant d'inquiétudes…

Moi : Pas toi, peut-être ?

Elle : Bien sûr que si, comme tout le monde, tu le sais bien, je suis terriblement concernée par l'actualité de plus en plus anxiogène, instantanément relayée en continu dans les médias et sur les réseaux sociaux ; je me sens solidaire de celles et ceux qui fuient leurs pays pour cause de guerre ou de la misère, je suis, comme toi, consternée par le climat de violence qui règne un peu partout, inquiète pour la sauvegarde et la survie de notre écosystème en sursis, avec ses effets dévastateurs immédiats ici et là ! 

Quant aux élections incertaines aux Etats-Unis… 

Mais, dois-je pour autant désespérer et renoncer à tout désir, au bonheur (même relatif) de vivre avec quelqu'un qui dit m'aimer ?

Moi : …!

Elle : Allô ! que fais-tu ? je ne t'entends plus…

Moi : Je réfléchis !

Post-scruptum du narrateur/rêveur (?) : toute ressemblance avec des personnages existants et connus du lecteur ou lectrice des lignes ci-dessus, serait purement fortuite. Pour sa part, l'auteur présumé de ce laïus préfère méditer ces mots de Carmen Sylva (1843-1916) :

"Le bonheur ne se trouve pas toujours dans un ciel éternellement bleu, mais aussi dans les choses les plus simples de la vie."

Bonne soirée ou bonne journée, selon que vous vous couchez ou vous vous réveillez


dimanche 27 août 2023

Tranquilité

 "Une histoire nous est-elle encore destinée à l'avenir, chose tout autre que ce qui semble être tenu pour telle à présent : la morne traque interminable d'activités s'annulant elle-mêmes au fur et à mesure, auquel seul un bruyant tapage assure un semblant de consistance ?"

Martin Heidegger, Apports à la philosophie. De l'avenante. Gallimard, 2013, p.53

dimanche 2 juillet 2023

Citation du jour

 « Toute espèce de polémique compromet par avance la tenue de la pensée. Le rôle de contradicteur n’est pas le rôle de la pensée. Car la pensée ne pense que lorsqu’elle s’attache à ce qui parle pour une chose. Toute parole de défense n’a jamais ici que le sens d’une protection de cette chose. »

Martin Heidegger, Qu’appelle-t-on penser ? Puf, 1999, p.87

jeudi 5 janvier 2023

Chercher

chercher

réaliser 

Qu’on n’y est pas 

persévérer 

s’égarer 

chuter 

chimères, doutes…

Retour en arrière 

toujours en chemin 

chercher

méditer 

l’âme ne trouve l’apaisement que quand le souffle se dilate et embrasse l’instantané de l’inattendu, l’insaisissable présence 

extase 

devant l’apparition de ce qui se montre à même lui-même tout en restant en retrait 

chercher chercher encore

chercher ce qui se dérobe et qui est déjà là 

À la fois loin et proche

Intime et étranger 

(Je) cherche (me)

La Gestalt-théorie

 Quand Sartre décrit la gestalt théorie : « J'ai rendez-vous avec Pierre à quatre heures. J'arrive en retard d'un quart d'he...