jeudi 23 juillet 2015

La langue-mère

—Quelle est ta langue maternelle?
—Je n'en ai pas, parce que je ne suis pas!
—Je ne comprends pas bien, quel rapport avec ma question ?
—Je ne suis pas, je n'ai pas été parlée ; ma mère ne m'a jamais rien dit de moi, elle ne m'a jamais adressé sa langue…
—Tu aurais donc traversé l'enfance, toute ton enfance, muette ?
—Oui, comme un chiot errant sans attache, sans récit…
—Et aujourd'hui, c'est comment avec elle, avec ta mère je veux dire ?
—Tout sonne faux entre nous, quelque chose s'est perdu à jamais…
—A jamais, dis-tu ?
—oui, à jamais, pourtant persiste encore en moi l'illusion d'habiter un jour avec ma mère, même morte, dans la même langue!
—Afin de te permettre de sortir de ta coquille…
Oui, de ma coquille devenue encombrante, et pouvoir enfin me dire dans ma propre langue les mots que l'enfant a toujours désiré entendre…, pour m'autoriser à aimer cette mère à la fois si étrangère et si proche en même temps!

mardi 14 juillet 2015

Soulever ou le difficile chemin vers soi-même

—Pourquoi soulèves-tu toujours de graves réflexions, me lança-t-elle en se levant du banc où nous étions assis.
Comme par mimétisme, je me retrouve aussitôt à sa hauteur, et nous voici côte à côte à arpenter d'un pas hésitant le petit chemin conduisant vers le lac.
—Qu'est-ce qui te ferait peur dans ce que je dis ?
—Je n'ai pas envie de ça… Tout devient problème avec toi, tu questionnes sur tout…
—Tu n'as pas envie de ça…, de quoi aurais-tu envie là, maintenant ?
—Marcher, profiter de l'air, oublier tout…
—Oublier même ce qui te blesse ou te révolte ? Tu sais bien que l'oubli peut être une autre manière d'entretenir le souvenir…, ou d'enterrer vivant ce qui demanderait à être interrogé ?
Nos pas deviennent de plus en plus lourds. Nous ralentissons…
Devant nous, en contre-bas, le lac avec son eau claire, comme une offrande!

Tranquilité

 "Une histoire nous est-elle encore destinée à l'avenir, chose tout autre que ce qui semble être tenu pour telle à présent : la mor...