lundi 23 novembre 2015

François Cheng

"…Ici nous pensons à une expérience, apparemment anodine, de Jacob Boehme, le mystique rhénan du XIIè siècle. Un après-midi de solitude dans son humble logis, il vit une lumière traverser la fenêtre et venir se projeter sur un ustensile en étain posé sur un meuble. Le reflet irisé que donna ce rayon, soudain, le toucha jusqu'aux tréfonds, ravissant son âme. Là où un matérialiste pur et dur ne constate qu'un banal phénomène physique, lui, il éprouve un sentiment d'étonnement et de grâce: comment se fait-il qu'au sein de ce monde terrestre, de ces heures humaines perdues dans un coin de l'univers infini, poussières parmi les poussières, il y a tout de même cet instant miraculeux où une clarté opportune vient au contact d'un objet anonyme, éphémère, emplissant le cœur d'un être tout aussi anonyme, éphémère, d'une indicible émotion."

François CHENG, Le livre du Vide médian, Albin Michel (édition revue et augmentée), 2009, p.14-15

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