"L'homme qui prend place devant elle est comme mort. Le regard n'accroche rien, la peau est blême, les mains seules paraissent conserver un semblant de vie indépendante, elles vont et viennent dans l'air, se nouent et se dénouent, font un ballet de pleureuses tandis que le reste du corps est de pierre. On devrait davantage observer les minéraux, les cailloux, la lave pétrifiée, les fossiles, la roche — ils nous disent ce que nous sommes. C'est dans cette minéralité qu'on se retranche lorsque l'amour vous est retiré.
— Je n'ai plus de raison de vivre, dit-il, depuis qu'elle est partie." (1)
"La douceur est une énigme. Incluse dans un double mouvement d'accueil et de don, elle apparaît à la lisière des passages que naissance et mort signent. Parce qu'elle a ses degrés d'intensité, qu'elle est une force symbolique et qu'elle a pouvoir de transformation sur les choses et les êtres, elle est une puissance.
Une personne, une pierre, une pensée, un geste, une couleur…peuvent faire preuve de douceur (…) En écoutant ceux qui viennent me confier leur détresse, je l'ai entendue traverser chaque expérience vécue. En méditant son rapport au monde, il apparaît que son intelligence porte la vie, la sauve et l'accroît." (2)
Deux livres, deux sujets différents, d'un même auteur, et pourtant, en plus de la justesse de l'analyse, il y a ce clin d'œil, si j'ose dire, d'un texte à l'autre, je veux parler du rapprochement que fait délicatement l'auteur, des "choses et des êtres", de "la personne" et de "la pierre"; d'une part "quand l'amour (nous) est retiré, nous apparaissons comme une matière morte,, tout semble éteint en nous, et d'autre part quel que soit le vécu ou la souffrance, il y a en chaque être humain une part de douceur, tout comme chaque chose, même une pierre peut "faire preuve de douceur"!
1) Anne Dufourmantelle, En cas d'amour. Psychopathologie de la vie amoureuse, Payot-Rivages, 2012, p.51
2) Anne Dufourmantelle, Puissance de la douceur, Payot Rivages, 2013, p.11
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