mardi 15 octobre 2019

Un soir dans le métro

Un soir, dans le métro.
Debout, à ma droite une jeune femme que j'entends répéter : "Dis-le, tu me détestes, n'est-ce pas?". Elle le dit avec un petit sourire taquin en regardant quelqu'un à ma gauche. Curieux, je tourne légèrement la tête vers mon voisin qui, lui, bras croisé, regarde droit devant lui l'air résigné. "Tu me détestes, dis-le", renchérit-elle tout en tapotant sur son portable et jetant un coup d'œil rieur à son ami, lequel semble figé le regard perdu dans le vague. Est-il en colère ? jaloux ? A quoi pense-il ?
Peu à peu, peut-être lassé du monologue de la jeune femme et de l'inertie de l'homme, je détourne mon attention sur une jeune fille debout au milieu du wagon, elle lit. Je me penche légèrement en avant pour déchiffrer le titre du livre, et voilà une agréable surprise, qui me met en joie, elle est en train de lire "Ainsi parlait Zarathoustra"!
—Tiens, voilà une belle idée, me dis-je! Nietzsche! En rentrant, ça te dirait de faire un petit jeu: ouvrir au hasard "Ainsi parlait Zarathoustra" et lire à haute voix les premières phrases qui s'offriront à toi ?
Aussitôt chez moi, je me dirige vers la bibliothèque et, le livre dans les mains, j'ouvre au hasard et lis ceci:
"Or Zarathoustra considérait le peuple, et s'étonnait. Lors il parla de la sorte:
L'homme est une corde, entre bête et surhomme tendue,— une corde sur un abîme.
Dangereux de passer, dangereux d'être en chemin, dangereux de se retourner, dangereux de trembler et de rester sur place!
Ce qui chez l'homme est grand, c'est d'être un pont, et de n'être pas un but : ce que chez l'homme on peut aimer, c'est qu'il est un passage et un déclin."

Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Gallimard, 1971, p. 24

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 Nous sommes au téléphone depuis une dizaine de minutes, je ne suis pas du tout à l'aise : —Attends s’il te plaît, lui dis-je, donne-moi...