Nous sommes au téléphone depuis une dizaine de minutes, je ne suis pas du tout à l'aise :
—Attends s’il te plaît, lui dis-je, donne-moi encore un peu de temps …
Elle : tu veux dire du temps à perdre ?
Moi : comment ça du temps à perdre ? J’ai simplement besoin de réfléchir, tu peux comprendre ça ?
Elle : Non, pas du tout. Parce que ce n'est pas la première fois que tu me le demandes, pour moi c’est du temps gaspillé…
Moi : !?…
Elle (imperturbable) :Voilà, comme à ton habitude, tu ne dis plus rien dès qu'on te fait des objections…, tu fais semblant d'ignorer que le temps dont nous disposons dure autant que celui qui n’est pas gaspillé.
Moi (perplexe et inquiet) : tu veux dire qu’on n’a pas beaucoup de temps, et que le reste …
Elle (victorieuse) : …le reste est perdu, il est sans importance ! Nous n'avons que ce temps… Je t’aime, c'est certain et c'est maintenant, et je sais que tu m’aimes, tu me le répètes depuis des mois "je t'aime, je t'aime", alors qu’as-tu besoin de réfléchir encore et encore ?
Moi (par devers moi) : c’est vrai, ce qu'elle dit, , mais de là à prendre un engagement…!
Elle : Allô, à quoi penses-tu ? Attends, je crois lire dans tes pensées, toujours les mêmes, n'est-ce pas ? Tu te demandes, en gros, comment accepter d'être heureux ici, maintenant, alors qu'il y a tant de souffrances autour de nous, tant d'incertitudes, tant d'inquiétudes…
Moi : Pas toi, peut-être ?
Elle : Bien sûr que si, comme tout le monde, tu le sais bien, je suis terriblement concernée par l'actualité de plus en plus anxiogène, instantanément relayée en continu dans les médias et sur les réseaux sociaux ; je me sens solidaire de celles et ceux qui fuient leurs pays pour cause de guerre ou de la misère, je suis, comme toi, consternée par le climat de violence qui règne un peu partout, inquiète pour la sauvegarde et la survie de notre écosystème en sursis, avec ses effets dévastateurs immédiats ici et là !
Quant aux élections incertaines aux Etats-Unis…
Mais, dois-je pour autant désespérer et renoncer à tout désir, au bonheur (même relatif) de vivre avec quelqu'un qui dit m'aimer ?
Moi : …!
Elle : Allô ! que fais-tu ? je ne t'entends plus…
Moi : Je réfléchis !
Post-scruptum du narrateur/rêveur (?) : toute ressemblance avec des personnages existants et connus du lecteur ou lectrice des lignes ci-dessus, serait purement fortuite. Pour sa part, l'auteur présumé de ce laïus préfère méditer ces mots de Carmen Sylva (1843-1916) :
"Le bonheur ne se trouve pas toujours dans un ciel éternellement bleu, mais aussi dans les choses les plus simples de la vie."
Bonne soirée ou bonne journée, selon que vous vous couchez ou vous vous réveillez