mardi 17 mars 2009

Le Printemps des poètes avec Christiane Veschambre

Valence, le 14 mars 2009
14h. Forum de la Médiathèque.
Elle est là debout, de noir vêtue, dans la salle, discutant. Nos regards se croisent. Sourire irradiant. On s'embrasse. 
Son regard attentionné, accueillant, le même qu'autrefois, la même intensité, la même invitation à "être" ce qu'on est, sans apparat ni autres formalités de surface.
Je regarde à ma montre.
— Il est temps qu'on te laisse, n'est-ce pas ?
Elle acquiesce avec un sourire.
La salle n'est pas pleine, qu'à cela ne tienne. Le public présent (de tout âge) prend place autour des tables  disposées simplement comme dans un café, certains sont assis à même les marches.
Silence.
La suite est inracontable!
Sinon une Voix!
Une voix nue qui éclaire la banalité du quotidien de Robert et Joséphine.(1)
La salle est presque recueillie. 
J'écoute, les yeux mi-clos. A mes côtés, Renée, venue exprès de Paris, semble très concentrée. 
Robert et Joséphine excèdent les mots du poème, ils sont présents, rendus vivants par le souffle de la voix dont ils sont la source, bien qu'elle soit distincte.
La banalité du quotidien, ai-je écrit. Mais, n'est-ce pas cela la Vie même, le vivant vrai, comme dirait l'auteur ?
Nul spectacle ici. Juste une voix qui donne vie, comme elle-même a été enfantée un jour par ces deux-là!
"Toute voix humaine répond, toute inauguration est en souffrance et en passion sous une voix antérieure qu'elle n'entend qu'en lui répondant, qui la précède et qui l'excède. Elle ne parle qu'en écoutant, elle n'écoute qu'en répondant, et ne continue de parler que parce qu'il n' y a pas de réponse plénière ni parfaite, pas de réponse qui ne soit au plus intime d'elle-même en défaut et en retard sur ce qu'elle seule fait entendre." (2)
Applaudissements nourris! Combien cela a-t-il duré ? Trois quarts d'heures, une heure ? Le temps ne compte pas ici. Robert et "la non née" nous ont captivés, peut-être adoptés. Quoique morts, ils sont devenus, l'instant d'un poème, nos propres parents!
Qu'ils reposent maintenant en paix, et que la poésie de Christiane Veschambre vive longtemps, longtemps. De cette vie qui se relaie de lecteur en lecteur, en communion d'esprit et de cœur.

(1) Christiane Veschambre, Robert et Joséphine, Les éditions Cheyne, 2008
(2) Jean-Louis Chrétien, La voix nue. Phénoménologie de la promesse, Les éditions de minuit, Paris, 1990, p.7


samedi 7 mars 2009

Citation du jour

"Soit la lumière. La Création c'est le devenir-lumière de l'être, quand il se sépare assez (de lui-même) pour rencontrer l'acte possible.
Reprenons l'énoncé: "Dieu dit: Que la lumière soit. Et la lumière fut."
(…) Entre l'appel et la lumière, entre l'appel d'être et l'éclairement qu'il produit, il y a ce "et" qui, dans la Bible, fait tourner le temps, amène l'avenir au passé et le passé à l'avenir via la parole de la Présence. Cette réponse à l'appel de lumière ("et soit la lumière") est donc aussi un événement: l'effet-lumière de l'être…qui a lieu dans les deux sens du temps (soit et fut la lumière).
Soit la lumière est l'événement où il est dit que la lumière concerne l'être. Elle le concerne dans son devenir premier, minimal ; dans le geste où il sort de lui-même, c'est-à-dire où il vit. C'est le premier signe de l'être vivant ; le premier temps vivant de l'être. 
Ces deux premiers mots de YHVH méritent qu'on s'y arrête.
"Soit" est l'être impératif, le pur appel d'être. L'événement est à deux temps: l'être se rend lumineux sur fond de chaos et de ténèbres ; l'être se rend à l'appel qui le rend lumineux, en retour. Une secousse d'être a eu lieu.
Est-ce autrefois ? dans la fois qui toujours est autre ? il y a des millions d'années ? ou dans un temps immémorial et créatif ? 
L'essentiel de l'événement est qu'il soit "visible", éclairant et éclairé. Ici, l'événement est lui-même la lumière. La création — toute création — s'inaugure par l'événement où l'être se fait lumière. 
Par ce dire — "soit la lumière" — l'être prend place dans une mémoire, pour s'y produire encore en d'autres temps, lors d'autres illuminations ; par exemple, devant un texte obscur qui soudain va s'éclairer ; ou une situation glauque qui est une sorte de texte indéchiffrable. Soudain: soit la lumière! 
Mais le but n'est pas d'être dans la lumière, c'est de passer par elle ou de faire qu'elle se passe ; quitte à passer vers d'autres ombres. Là est le point créatif.
Pour chacun, la création c'est la rencontre de ce qu'il a fait en son "absence" quand il passait du côté de l'Autre, sur le chemin d'un certain retour à soi. Ici, puisque c'est d'être qu'il s'agit, il y va du retour à l'être."
Daniel Sibony

 Nous sommes au téléphone depuis une dizaine de minutes, je ne suis pas du tout à l'aise : —Attends s’il te plaît, lui dis-je, donne-moi...