Mes amis me demandent souvent:
— Mais que lis-tu donc, Alkaly, pendant tes congés, étant donné tous les bouquins qui encombrent ta bibliothèque ?
C'est vrai, j'ai l'embarras du choix. En général j'embarque une dizaine de livres avec moi pour trois semaines de vacances, mais comme je lis tous les jours toute l'année et que j'ai besoin de vivre autre chose et autrement pendant les vacances, je n'arrive à finir que deux ou trois ouvrages en été!
Alors, cette année, j'ai décidé d'être plus économe et plus sélectif: j'ai emporté quatre livres, seulement!
*Le premier est une relecture, celui du philosophe et sinologue François Jullien: Nourrir sa vie à l'écart du bonheur, Seuil. Une phrase en dit long:
— "Sa vie est comme flotter, sa mort comme se reposer."
"Flotter", explique l'auteur, dit la capacité à ne s'immobiliser dans aucune position en même temps qu'à ne tendre vers aucune direction ; à la fois à se maintenir en mouvement continu, entraîné par l'alternance respiratoire du flux et du reflux, et à ne pas y subir de dépense ou y risquer de résistance…
Bref, un livre pour détourner la pensée de sa visée possessive et utilitaire, un livre pour respirer plein les poumons et l'esprit.
*Le second et le troisième livres sont deux ouvrages de Martin Heidegger, là aussi, il s'agit de livres que j'ai eu envie de relire:
1) Acheminement vers la parole, Gallimard.
Il s'agit d'un recueil de six textes (quatre conférences, un essai et un dialogue). Etape ultime d'un long itinéraire de pensée. Ce qui est pensé ici plus précisément c'est la relation qu'entretiennent, depuis leur origine, être et parole. Encore plus précis: l'auteur décrit l'expérience que fait la pensée face à la parole. "Faire une expérience, écrit M.H, c'est atteindre quelque chose en passant par un chemin". Acheminement vers la parole donc, c'est-à-dire le "mouvement" dont la parole est l'aboutissement.
2) Questions IV, la phénoménologie et la pensée de l'être, Gallimard.
Ce recueil de textes comprend, entre autres, plusieurs conférences et séminaires, rassemblés plus tard dans un ouvrage publié à l'occasion du Quatre-vingtième anniversaire de Heidegger (1969) sous le titre (trad. française) Droit à la pensée. Dans au moins trois de ces textes Heidegger précise la situation de sa pensée par rapport à son Maître et père de la phénoménologie, Husserl.
Livre difficile mais passionnant!
*Le quatrième livre est une découverte récente, un roman:
Vincent Delecroix, Ce qui est perdu. Gallimard.
L'auteur est déjà bien encensé par la critique littéraire, ce qui est rare et ici largement mérité. Le narrateur essaie de se remettre d'une rupture amoureuse, par l'écriture d'une biographie du philosophe danois Kierkegaard. Ce philosophe (protestant) mélancolique n'eut qu'un seul amour, qu'il perdit volontairement et ne cessa, dès lors, de lui parler à travers ses livres. Delecroix excelle ici dans l'auto-dérision, il s'en dégage cette "impression de densité et de légèreté simultanées" (Florence Noiville, Le Monde).
Bonne fin d'été à tous!
Et à bientôt sur le blog où j'attends vos réactions, et pourquoi pas vos nouvelles d'été: et vous, qu'avez-vous lu pendant ces vacances ?
A. Cissé