L'idée était là, déjà, depuis un certain temps: réintroduire du "spirituel" dans le blog, plus précisément entreprendre de commenter, de façon ponctuelle, tel ou tel passage de la Bible, sans autre justification ni visée autre que celle de chercher, questionner, croire, penser ce que je crois.
Il restait à trouver un prétexte, quelque chose qui arrive, affleure, met en mouvement vers l'écriture… Un mot, une allusion, un événement, une question, par exemple: "cela fait longtemps que vous habitez ici ?"
Habiter… demeurer…
J'associe vite, très vite. Trop vite?
Trop tard, je suis déjà dans l'évangile selon Jean.
« Maître, où demeures-tu ? » (1)
Ils ne connaissent pas Jésus, c'est la première fois qu'ils le rencontrent. Et il se passe déjà quelque chose entre eux et l'homme de Nazareth. Ils ne savent pas quoi, mais leur question le laisse deviner:
« Maître, où demeures-tu ? »
Veulent-ils simplement savoir, par prudence, avant de le suivre, où habite Jésus ? Leur demande signifierait-elle autre chose? par exemple, qu'ils n'ont pas l'intention d'en rester là, maintenant que Jean-Baptiste leur a présenté Jésus? Et si c'était la rencontre de leur vie ?
—"Maitre, où habites-tu ?"
La question a son importance, et si on l'élargit, —et je le fais tout de suite, tant pis pour le raccourci — elle devient : le mystère de Dieu, "caché" en Jésus le Christ, peut-il être approché ? pouvons-nous y être accueillis, nous aussi, et à quelle condition ?
La réponse de Jésus ne lève pas tout de suite le voile! elle reste en effet énigmatique :
—« Venez et voyez », leur dit-il.
Comme souvent chez Jean, le lecteur saisit sans difficulté certains aspects des paroles et des gestes de Jésus, mais il reste quand même sur sa faim, comme si quelque chose de plus important résistait à sa compréhension. Comme si le texte, pour devenir parole vivante, attendait un retournement à l'intérieur même du lecteur.
En demandant à Jésus "où demeures-tu ?", André et l'autre compagnon (il n'est pas nommé) ne nous invitent-ils pas précisément à faire comme eux, c'est-à-dire à nous mettre aussi en route afin, si possible, de naître à nous-mêmes dans cette demeure imprenable où Jésus nous convie? (N'exhortera-t-il pas les disciples plus tard à demeurer en lui, comme lui-même demeure en eux?)
—"Venez et voyez!".
A présent, c'est-à-dire à la lumière de ce qui précède, nous pouvons accueillir cette parole comme une invitation à faire l'expérience de la pré-sence effective de celui qu'on ne peut pas se re-présenter. Dit autrement: pour espérer faire l'expérience vivante et vivifiante du divin, il faut renoncer à capturer le divin, mieux, il faut partir… hors de sa propre demeure, hors de toute certitude, et répondre à l'appel : venez et voyez!
Voir quoi au juste? l'invisible ?
—Venez et voyez!
"Voir", ce n'est pas avoir la démonstration de ce qu'on espère, c'est tout simplement se décentrer de soi, faire l'épreuve du détour par l'altérité, par le regard qui me fait devenir moi-même.
Cependant, pour rejoindre Jésus, il faut au préalable clarifier pour soi-même la question par laquelle l'homme de Nazareth accueille les deux disciples: —"Que cherchez-vous.", leur demande-t-il.
Question importante, car on la retrouvera encore à deux reprises dans les évangiles:
— à l'arrestation de Jésus au mont des oliviers.
— et au matin de Pâques, quand Marie-Madeleine cherche Jésus dans le jardin.
Donc la même question est posée, au début et à la fin de l'Evangile, comme pour encadrer tout l'Evangile. Comme si la Bonne Nouvelle —Dieu en nous et parmi nous— commençait et se terminait par la même question:
—Que cherchez-vous ?
Cette question nous renvoie à nous-mêmes: certes nous cherchons, mais que, qui cherchons-nous?
Il s'agit de passer d'une recherche sans objet, une recherche floue, à une confession de foi fermement affirmée: "mon Seigneur et mon Dieu!", comme le fera plus tard Thomas-Didyme, le jumeau, appelé Thomas "l'incrédule".
Autant dire que cette belle confession est par essence, comme toute confession de foi, de l'ordre du provisoire, elle n'enferme pas dans une certitude close sur elle-même, elle ne peut pas se soustraire à l'épreuve du doute, elle comportera toujours dans sa clarté même le "clair-obscur-humain".
En commençant cet entrefilet, j'avais en tête la question de cette dame qui m'interrogeait pour savoir depuis combien de temps j'habitais chez moi; et sa question m'a conduit à me souvenir d'une autre question:
—Maître, où demeures-tu ?
Pour moi cela signifiait:
—Seigneur, je n'arrive pas à me tenir-au-dehors-de-moi, je me sens perdu à l'intérieur, emmuré, je voudrais en sortir mais je ne sais pas comment m'y prendre.
Et si l'homme ne pouvait se trouver (comme possibilité d'être) qu'en s'abandonnant à ce qui le transcende ?
—Venez et voyez!
Je vous souhaite à toutes et à tous un bel été!
(1) Lire Jean, chapitre 1, versets 35 à 42
3 commentaires:
l'evangile de jean est la seule que je n'ai jamais lue. la voila sur mon chevet.
merci pour cet eclairage enrichissant et bienvenu
Alkaly
Je t'aperçois à nouveau au détour d'une promenade sur internet.
Merci pour ton commentaire vécu au sujet de la maison, la demeure.
Merci d'avoir mis ton nez à la fenêtre...
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