mardi 14 janvier 2020

On n'a jamais fini d'apprendre des autres, même des plus vulnérables

Service de psychiatrie

Croisé JP. "Délire mystique", me dit l'infirmier, il ajoute "comme beaucoup de pensionnaires ici!"
Je suis un peu pressé, j'ai rendez-vous avec Mme C. Mais JP veut parler. Les mots se bousculent, aucune phrase complète…Il me parle de Jésus comme si c'était lui-même, fait régulièrement le signe de la croix (à moitié). Je le croise souvent dans les couloirs ou dehors. Cette fois-ci, c'est promis, lui-dis-je, je vous verrai lundi prochain. Il s'en va…
Affalée sur la table, Mme C me regarde m'approcher. Son visage semble plus reposé que lors de ma dernière visite.
—Vous méditiez ?
—Les médicaments me font dormir.
Elle se souvient de m'avoir fait voir, à l'insu des infirmiers, les escaliers donnant sur un petit jardin derrière le service, c'est là où viennent se réfugier les fumeurs. Elle me disait alors avoir arrêté de fumer à son arrivée ici. Depuis, son frère lui a apporté des cigarettes.
—C'était vrai, ce petit mensonge ?
—Je vous jure!
Elle revient sur le refus du personnel de la laisser partir chez elle pour prendre ses affaires. Pour la petite histoire, Mme C s'était enfuie de l'hôpital il y a un mois, on l'a retrouvée en ville errant au milieu de la foule.
Lors de notre première rencontre, elle a mis fin brusquement à la visite. Elle se fatigue vite. En y repensant, je m'aperçois que je posais beaucoup de questions.
Aujourd'hui, en me serrant la main à la fin de l'entretien, elle me dit en souriant :"quel silence exceptionnel dans le service aujourd'hui, n'est-ce pas?". On n'a jamais fini d'apprendre des autres, même des plus vulnérables!

 Nous sommes au téléphone depuis une dizaine de minutes, je ne suis pas du tout à l'aise : —Attends s’il te plaît, lui dis-je, donne-moi...