dimanche 27 septembre 2020

Ferenczi

"La patiente, alors nourrisson, avait été livrée à un état de détresse et de solitude face à une mère incapable d’assurer ses besoins vitaux. Les cris désespérés du bébé étaient restés des appels dans le vide, jusqu’à l’épuisement et la « sensation de s’éteindre ». Adulte, ses compulsions à manger ressemblaient ainsi parfois à ce besoin « d’atténuer cette sensation au plus vite, en mangeant ou en buvant »

Sandor Ferenczi

vendredi 18 septembre 2020

Citation de la soirée

 "Avoir rapport à la chose, à supposer que cela soit possible, telle qu’elle est en elle-même, c’est l’appréhender […] telle qu’elle serait même si je n’étais pas là. Je peux mourir ou simplement sortir de la pièce, je sais que cela est et restera ce que c’est. C’est pourquoi la mort est aussi une ligne de démarcation si importante"

Jacques Derrida

jeudi 17 septembre 2020

Citation du jour

 "Inutile de vous dire que ma première réaction à ces incidents fut un accès d'indignation autoritaire. Sur le moment, je me sentis blessé par la prétention du patient, ou de l'élève, de savoir les choses mieux que moi-même, mais heureusement me vint aussitôt la pensée qu'il devait, en fin de compte, effectivement savoir les choses sur lui-même mieux que moi je ne pouvais les deviner. J'ai donc reconnu que je pouvais faire erreur, et la conséquence n'en a pas été la perte de mon autorité, mais l'accroissement de la confiance en moi du patient".

S. Ferenczi

lundi 14 septembre 2020

Sandor Ferenczi, Journal Clinique

Mon choix "psy" de la semaine 



Mon philosophe du mois : Soren Kierkegaard

 "Avoir une opinion, c’est pour moi à la fois trop et trop peu, cela présuppose sécurité et bien-être, tout comme dans cette vie terrestre d’avoir femme et enfants, ce qui n’est pas accordé à celui qui doit se débattre jour et nuit sans pourtant avoir sa subsistance assurée. […]

Si, par contre, quelqu’un veut être assez courtois pour croire que j’ai une opinion, s’il pousse la galanterie jusqu’à l’adopter parce que c’est la mienne, je suis aux regrets, pour sa courtoisie, qu’il la place si mal, et pour son opinion, s’il n’en a pas d’autre que la mienne ; ma vie, en effet, je peux bien la risquer, je peux en toute gravité badiner avec elle, -mais pas avec celle d’un autre".

vendredi 11 septembre 2020

Citation du jour

 


"[...] l'angoisse en soi n'est pas belle, elle ne l'est qu'à l'instant où l'on s'aperçoit de l'énergie qui la surmonte".

Kierkegaard

mercredi 9 septembre 2020

Ainsi me laissais-je vivre

 Non, ce n'était pas un exil doré, loin de là. Pourtant, je n'avais aucune raison de me plaindre. La succession répétitive des jours et des nuits.qui semblait ennuyer certaines personnes autour de moi, ne me faisait ni froid ni chaud. Je me laissais vivre, sans rien exiger de la vie ni des gens, tout simplement vivre. J'avais besoin de très peu de choses, car j'avais la chance d'avoir un toit et l'opportunité de ne pas mourrir de faim, contrairement à mes compagnons de route avec qui j'avais réussi, un an plus tôt, à fuir le régime totalitaire qui sévissait dans mon pays, la Guinée. —Je sais ce que c'est de vivre dans la rue, j'en ai bavé avec eux, avant de rencontrer par un heureux hasard, Monsieur F., un notable sénégalais installé en Cote d'Ivoire et qui connaissait ma mère!

Un mot à propos de Monsieur F. C'était un bel homme, grand et bien en chair. C'était un haut fonctionnaire. Il possédait une grande demeure, avec des chambres séparées pour ses trois épouses. Oui, oui, Monsieur F. était polygame, avec treize enfants. Il me considérait comme l'un d'eux, je me suis demandé un temps s'il n'avait pas été l'amant de ma mère pendant ses séjours en Guinée. Mais, non, ça ne tient pas la route, je sais bien qui est mon père. 

Monsieur F. était, comme on disait dans le voisinage, un polygame heureux! Et quoi que je n'eus pas un  rond dans les poches, je me considérais à l'image de mon généreux hôte comme un homme heureux, dans une ville en plein essor, Abidjan! Ville rêvée, ville fantôme aux milles paillettes, avec ses touristes d'un jour déambulant, marchandant, riant, criant "au voleur" quelquefois… Je regardais tout cela d'un œil amusé, comme un film sans scénario précis dont les acteurs se démenaient et se côtoyaient sans se rencontrer vraiment.

Mon rêve à moi, depuis quelque temps, me projetait ailleurs…Cet ailleurs, lorsque j'y pensais, avant d'être fixé dans un lieu, c'était d'abord un regard, un regard croisé quelques semaines plus tôt dans la salle de la grande bibliothèque de la ville où je me rendais chaque après-midi. Un regard qui ne me quittait plus, et aussi une voix. Qui était-ce ? D'où venait-elle ? Se souvenait-elle de moi ? Des jours, des semaines passèrent sans aucune nouvelle apparition de ma bien-aimée, car je l'aimais déjà, j'en étais sûr. Pourtant, je tournais en rond, aux aguets…Jusqu'à ce jour inoubliable, à jamais gravé en moi. Je cherchais dans les rayonnages un livre de Sartre "L'existentialisme est un humanisme" qu'un ami m'avait conseillé comme un ouvrage incontournable. J'étais absorbé dans ma recherche quand soudain je sursautai : presque collée à mon oreille gauche, une voix que je reconnus tout de suite : 

—Vous cherchez quelque chose ? me demanda-t-elle. -Ô douceur ! Ô miracle !- J'entendis un livre échouer au sol, mes mains ont dû lâcher prise… En me retournant, nous étions si proches l'un de l'autre que les mots sortirent de ma bouche sans me prévenir : 

—Oui, vous…! lui murmurai-je. 

Elle me regarda, je la regardai, nos regards cette fois-ci ne se croisèrent pas ils demeurèrent l'un dans l'autre, avant qu'elle ne me sourit. J'ai dû me reprendre, cependant, ne sachant pas —c'était trop beau pour être vrai— si elle éprouvait ce que je ressentais de mon côté : 

—Excusez-moi, je voulais dire Sartre, je cherche… c'est cela, je cherche… 

—Vous cherchez un livre de Jean-Paul Sartre ? 

—Oui, c'est cela, c'est exactement cela…!

Ainsi se transformait mon rêve. Ainsi s'ouvrait pour moi et pour M. une savoureuse histoire d'amour…


dimanche 6 septembre 2020

Kathleen Collins, Journal d'une femme noire

 "Il ne semble pas comprendre que la jeune femme de couleur qu'il a engendrée ne croit pas, elle, à la couleur de peau : que pour elle, le jeune freedom rider de ses rêves n'a pas de couleur (d'ailleurs il n'en a pas), et que leurs sentiments naissent là où s'arrête la couleur (d'ailleurs il le faut bien)."p.24


"Dans une société américaine à peine affranchie de ses lois racistes, les Afro-Américains, en exerçant leurs droits civiques, peuvent enfin accéder à leur vie. Cette nouvelle liberté suscite une exaltation et un bouillonnement racontés par Kathleen Collins à travers les relations amoureuses et filiales d'une femme noire, installée à New York." (Quatrième de couverture).

Diplômée de philosophie, après avoir complété son cursus à la Sorbonne, Kathleen Collins a enseigné à l’université de New York, son nom est par ailleurs inséparable du film culte, Losing Ground (qu'elle a écrit et réalisé), sorti salle en 1982. A propos du Journal d'une femme noire (nouvelles, lettres, fictions et extraits de journaux…), cet extrait de la critique de The New Yorker (2019) en dit long sur les qualités littéraires indéniables de K.C. : "Les textes de Kathleen Collins prouvent qu'elle était une artiste polyvalente, dotée d'un talent extraordinairement original, singulier et pluriel. Tout simplement une des meilleures dans la création littéraire et cinématographique."


mercredi 2 septembre 2020

Citation du jour

"Se sentir vivant - entièrement vivant - est rare. La joie est la seule sensation humaine qui nous totalise."

Anne Dufourmantelle

 

 Nous sommes au téléphone depuis une dizaine de minutes, je ne suis pas du tout à l'aise : —Attends s’il te plaît, lui dis-je, donne-moi...