Don de soi,
don tout court,
Joyeux Noël
"Du désert physique au désert intérieur, il n'y a qu'une image. Dans les dunes de sable, l'âme entrevoit la courbe de sa vocation. C'est comme si le sable sculptait son identité, à la fois changeante et immuable. Quand le vent souffle, les dunes se déplacent, et l'âme se module"
Cynthia Fleury, Métaphysique de l'imagination, éditions d'écarts, 2001, p. 57
Allez, je me mouille à mon tour — non pas pour me justifier, à quoi ça sert ? —, mais pour mieux questionner.
Contrairement à ce que j'entends et lis ici et là, le port du masque, le test antigenique, le pass sanitaire, etc, n'ont jamais constitué pour moi un problème majeur. J'ai vécu, en régime totalitaire, un vrai celui-là (le régime de Sékou Touré,satellite alors du bloc soviétique, si ça vous dit), et n'ai dû mon salut qu'en prenant le risque de l'exil ! J'étais encore très jeune, mais suffisamment conscient de ce que pouvait signifier l'expression "atteinte à la liberté".
Ce qui, voyez-vous, me questionne personnellement aujourd'hui plus que tout, c'est l'évidente défaite de l'humain ou pour nuancer un peu le tableau, c'est le démenti à notre prétendu pouvoir de comprendre et de maitriser le monde. Je m'explique : en même temps que nous nous évertuons à dénoncer les contraintes sanitaires et autres astreintes (dont je ne nie pas du tout les effets négatifs), nous avons tendance à négliger ou à ignorer les phénomènes suivants de plus en plus récurrents et donc plus menaçants pour notre survie, je veux parler des crises climatiques irrépressibles, des catastrophes naturelles irréfrénables, des épidémies virales incontrôlables…, tous ces phénomènes qui nous parlent de l'inconnu, de l'imprévu, de l'inattendu, bref de la limite du pouvoir humain et de sa prétendue supériorité sur la Nature.
Alors, quand j'entends parler de "l'atteinte à la liberté", je me dis de quoi parlons-nous, où plaçons nous notre regard ? La terre n'est qu'une petite chose, toute minuscule, flottante dans l'immensité de l'univers. Comment penser notre aujourd'hui, notre présent au regard de tout cela ?
(1) Ce texte a été publié, initialement, sur FB, support de l'instantané et qui n'offre donc qu'une visibilité éphémère, une actualité chassant l'autre. C'est la règle. Le blog résiste au temps, si je peux dire, sa configuration permet de retrouver facilement les articles soit par thèmes, soit par auteurs et même selon l'année recherchée. Je me sens plus chez moi ici, plus à l'aise, c'est-à-dire sans la nécessité de publier dans l'urgence. La plupart des textes viennent des notes griffonnées ici et là dans mes innombrables carnets, ces notes demandent souvent à être retravaillées et parfois je les publie comme telles. Les statistiques internes montrent un nombre important de visiteurs, d'origines et de pays différents. Même s'ils ne laissent pas de commentaires (au tout début du blog, si ; mais c''était avant l'extension et l'expansion extraordinaire des réseaux sociaux, dont FB créé quatre années plus tôt, en 2004 !), j'imagine que les gens arrivent à trouver dans ces colonnes de quoi nourrir leur curiosité ou leurs connaissances, que demander de plus ?
« Dans tout ce que j’écris, presque tout, il y a ma grand-mère, et sa fille, c’est pour ça que j’écris. Pour ça : pour faire parler ça, pour donner de la langue à ça, qui n’a pas de nom, qui est comme le foyer très enfoui de combustion très lente, avec éruptions imprévisibles, qui tient au chaud ce que je dois écrire. »
Christiane Veschambre, dit la femme dit l’enfant, éditions Isabelle Sauvage, 2020, p.45
-pour rappel : Christiane Veschambre est l’invitée du Cercle de lecture samedi 3 juillet, à 16h30, chez moi.
"N'attends pas que les événements arrivent comme tu le souhaites.
Décide de vouloir ce qui arrive…et tu seras heureux."
Epictète
"Quoi que vous puissiez faire, quoi que vous rêviez, commencez-le. La hardiesse a du génie, de la force et de la magie"
Johann Wolfgang von Goethe
"Dieu diffère de l'inconnu en ce qu'une émotion profonde, venant des profondeurs de l'enfance, se lie d'abord en nous à son évocation. L'inconnu laisse froid au contraire, ne se fait pas aimer avant qu'il ne renverse en nous toute chose comme un vent violent. De même les images bouleversantes et les moyens termes auxquels recourt l'émotion poétique nous touchent sans peine. Si la poésie introduit l'étrange, elle le fait par la voie du familier. Le poétique est du familier se dissolvant dans l'étrange et nous-mêmes avec lui. Il ne nous dépossède jamais de tout en tout, car les mots, les images dissoutes, sont chargés d'émotions déjà éprouvées, fixées à des objets qui les lient au connu.
L'appréhension divine ou poétique (…), nous pouvons encore, par elle, nous approprier ce qui nous dépasse, et, sans le saisir comme un bien propre, du moins le rattacher à nous, à ce qui déjà nous avait touché.
Nous ne sommes totalement mis à nu qu'en allant sans tricher à l'inconnu. C'est la part d'inconnu qui donne à l'expérience de Dieu— ou du poétique — leur grande autorité."
Georges Bataille, L'expérience intérieure, Gallimard, 1954, p. 17
Le poète Philippe Jaccottet est mort mercredi 24 février à l'âge de 95 ans.
Pour lui rendre hommage, voici un extrait de son magnifique livre Ce peu de bruits :
"Quand l'esprit s'égare, en souffre-t-il ? Seulement, sans doute, quand il sort de l'égarement pour en prendre conscience. Le vieil homme amaigri, mais encore debout, qui si souvent se croit ailleurs qu'il n'est, revit d'anciennes scènes de sa vie ou en invente de nouvelles : souffre-t-il, dans cet ailleurs ? Peut-être pas, le temps qu'il y croit. Il se déplace en lui-même moins difficilement que dans l'espace réel.
Mais je me redis une fois encore qu'il ne faudrait pas se tourmenter avant le temps, se laisser hanter par ce qui n'est pas encore, si menaçant, imminent que cela puisse être.
Ecrire simplement "pour que cela chantonne". Paroles réparatrices : non pour frapper, mais pour protéger, réchauffer, réjouir, même brièvement.
Paroles pour redresser le dos ; à défaut d'être "ravis au ciel", comme les Justes."
Philippe Jaccottet, Ce peu de bruits, Gallimard, 2008, P. 58
Nous sommes au téléphone depuis une dizaine de minutes, je ne suis pas du tout à l'aise : —Attends s’il te plaît, lui dis-je, donne-moi...