mercredi 2 février 2011

Ce qui est perdu (1)

Je l’avais choisi pour son style si particulier qui fait penser par moment à l’auteur de “Trois jours chez ma mère”, François Weyergans.
Mais je crois bien que le prétexte du livre aussi m’a séduit, à savoir écrire une "biographie" du philosophe danois Sœren  Kierkegaard, le père de l’existentialisme  et auteur entre autres de “Crainte et Tremblement”(2), et surtout “Le Concept de l’angoisse” (3).
S.K est connu pour sa difficulté à être chrétien et d’avoir rompu ses fiançailles pour des raisons qu’il explicite justement dans Crainte et tremblement.
Dans ce livre, S.K se pose en effet deux problèmes:
 1) Le rapport de l’individu avec le réel.
 2) Le rapport de l'individu avec le temps.
Ces deux problèmes sont liés étroitement, ils renvoient tous deux à la vie même de Kierkegaard, à ses conflits les plus personnels, à sa relation avec Régine:
“Devais-je l’épouser, alors que Dieu a fait de moi sinon un élu, du moins un individu isolé, différent de tous les autres, et quand le mariage aurait été pour elle un malheur ?…Devais-je l’épouser quand je sentais si profondément que, en même temps qu’elle serait devenue ma femme, elle aurait cessé d’être l’idéale jeune fille que j’aimais, pour prendre place dans le réel, tandis que son souvenir seul me serait resté précieux, qu’elle me serait restée précieuse, mais seulement dans le passé ?… Si j’ai assez de foi, si je suis vraiment digne d’Abraham, le père de la foi, oui, je puis épouser Régine; je puis renoncer à elle, et, par un miracle incompréhensible, Dieu me la rendra; ce mariage me sera possible, comme il fut possible à Abraham de retrouver son fils auquel il avait renoncé. Et le temps même sera changé; de telle sorte que je serai au-dessus du temps ordinaire, dans un temps mûri, mais où rien ne passe, et où la jeune fille restera présente dans la femme. Mais suis-je Abraham ?”
 A cette question, Kierkegaard répondra “non”, il n'épousera pas celle à qui il avait donné sa parole et qu’il aimait profondément.
 Lire “Ce qui est perdu” à la lumière de l’histoire de Kierkegaard m’a énormément plu et stimulé. Cela ne veut pas dire qu'il faut nécessairement lire Sœren Kierkegaard pour apprécier ce beau roman, c'est juste un petit plus.

(1) Vincent Delecroix, Ce qui est perdu, Gallimard,2006
(2) S. Kierkegaard, Crainte et tremblement, Aubier, 1946
(3) S. Kierkegaard, Le concept de l'angoisse, Gallimard, 1935



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