jeudi 9 avril 2020

Suite d'un dialogue amorcé ailleurs…

Toujours elle et moi ou l'inverse, peu importe, plus question d'amour, la cause semble entendue, le temps du confinement enserre l'amour dans une logique de confluence ou d'attente —on verra on verra— ou de rupture, provisoire ou définitive…
Il reste—quoi au juste ?— Peut-être quelque chose qui nous confronte mais qui n'apparaît pas comme tel, de mon point de vue en tout cas ou du sien, peu importe, le plus important quand on commence à réfléchir, c'est de tenir, non pas l'idée fixe, mais le mouvement qui met en chemin et l'incertitude qui va avec…
_Elle : …donc, dis-tu, revenons au présent du présent et, poursuis-tu, ce temps que nous vivons, aussi inédit et traumatisant soit-il, peut être une occasion exceptionnelle de penser…—penser quoi au juste, t'interroges-tu à part toi-même, comme pris de doute soudain — mais oui, te reprends-tu, c'est cela, penser une stratégie globale du déplacement dans l'espace et le temps ! Parfait, parfait…, je dis, mais avant d'en arriver là, c'est-à-dire à la généralité, si nous parlions de nous?
—Moi : (déconcerté) De nous ? Je ne comprends pas…
—Elle : Oui, de nous, parfaitement.
—Moi : Mais enfin nous n'avons parlé que de nous depuis le début…
—Elle : Oui, d'une certaine manière, nous n'avons jamais parlé que de "nous", mais il s'agit d'un nous fictif, juste un mot employé comme un générique de film, je te parle de toi et moi, chair et os, séparés mais unis comme beaucoup d'autres, dans ce temps qui semble être hors-temps, nous en tant que personnes vivant chacune dans un espace confiné, pour reprendre la terminologie virale en cours…, partageant la même expérience…
—Moi: Ah! oui, en effet vu sous cet angle…
(Silence…!!!)
—Elle : Ne recommence pas avec tes formules à endormir les gens, je te parle de l'espace sans paroi des mots tout faits, n'essaie pas de m'embrouiller…
—Moi : (Chaque fois que je l'entends me parler comme elle le fait là, ça me rappelle le temps où essayant de commenter un passage de la Bible, j'entendais à chaque tentative comme une petite voix me murmurer à l'oreille : "Comprends-tu ce que tu lis ?")— Je réfléchis…à ce que tu viens de dire.
—Elle : Je sais, c'est justement ça le problème entre nous, tu réfléchis trop mais tu n'écoutes pas, et à la fin il ne reste aucun espace pour une discussion sérieuse ou une quelconque décision…
—Moi : (agacé, je sais qu'elle dit vrai) Alors, dis-moi quelle décision prendre à propos du fait du confinement…?
—Elle : Je te parle de l'espace…et de nous…
—Moi : (c'est moi qui la coupe cette fois-ci, mais pour lui dire quoi au juste ?) Parfait parlons de l'espace, sans l'enveloppe des mots…
—Elle: Je t'ai dit "sans paroi des mots"
—Moi : C'est la même chose, ou alors muraille, si tu veux…
—Elle : Tu vois, tu te crois malin, tu essaies de m'embrouiller, tu refuses la discussion…, de quoi aurais-tu peur ?
—Moi : (surpris par sa question) Pas du tout, mais pas du tout (de fait, je commence à pédaler dans ma salive —elle dirait bafouiller—, à cet instant je n'ai pas de mots secs, propres, ajustés à l'échange avec elle, sur le terrain de l'espace bien délimité par elle…)
—Elle : Tu réfléchis, encore…! Je te parle de l'espace de notre nudité dans ce temps de crise…
—Moi : C'est bien ce que j'essaie de comprendre sans comprendre tout à fait, tu parles de… l'espace comme lieu du manque auquel confronte la crise de Covid19, c'est bien cela ?
—Elle : Oui, de l'espace, au sens à la fois physique et spirituel du terme, lieu propice au face-à-face avec soi-même…
—Moi :…en intégrant l'angoisse et l'incertitude ? Ça demande réflexion tout ça, tu ne crois pas ?
—Elle : (souriante et soudain épanouie sur l'écran de zoom) D'accord, pour une fois avec toi, réfléchis mais sans paroi de mots usés…

Avertissement : toute ressemblance avec des personnes connues ou des faits réels serait une pure et fortuite coïncidence


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 Nous sommes au téléphone depuis une dizaine de minutes, je ne suis pas du tout à l'aise : —Attends s’il te plaît, lui dis-je, donne-moi...