Invariablement, depuis deux ans, notre conversation tient en deux phrases:
— Comment allez-vous, Madame O.?
— Ma foi, on est là… (elle marque un bref arrêt), puis ajoute — j'attends!
Alors, je m'assois à côté d'elle, et nous attendons.
Son regard fixe et vide me touche et me questionne tout à la fois.
De quoi est-il l'expression?
Ainsi assis, côte à côte, nous attendons, chacun plongé dans ses pensées.
Les miennes ouvrent sur le présent de l'attente:
— Comment Mme O. habite-t-elle l'attente?
Elle, sans doute, avec ses souvenirs, l'avenir n'existant plus pour elle.
A 80 ans, la Maison de retraite est sa dernière demeure.
Sauf qu'elle n'a pas choisi elle-même d'être ici.
Plus tard, ses enfants me diront qu'ils n'avaient pas le choix non plus.
Le choix, justement, ce mot me revenait à l'esprit à chacune de mes rencontres avec Mme O.
— La mort n'est pas un choix, la vie non plus, du moins en ses commencements, me disait, l'autre jour, un autre pensionnaire plutôt philosophe.
— Après, chacun a la possibilité de choisir la vie, sa vie, avant qu'on choisisse à nouveau pour vous, concluait-il.
Mme O. sait, elle, ce qu'elle attend maintenant, ou plutôt ce qui l'attend, mais ce n'est pas ce qu'elle veut.
Ce qu'elle veut, c'est de retourner dans sa maison.
Elle le veut tout en sachant que cela est impossible.
C'est cet impossible, synonyme de non retour, qui donne l'impression que le temps s'est arrêté pour Mme O.
Comme si elle ne pouvait plus rien attendre du temps qui s'est figé avec elle…
Cependant, nos rencontres hebdomadaires, dans leur brièveté même, ne remettent-elles pas du mouvement dans nos deux existences ?
N'est-ce pas cela vivre dans le présent, dans le moment présent ? Ce moment qui nous saisit dans le vif de nos singularités!
lundi 19 octobre 2009
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Nous sommes au téléphone depuis une dizaine de minutes, je ne suis pas du tout à l'aise : —Attends s’il te plaît, lui dis-je, donne-moi...
-
"Le monde où nous vivons m'est apparu, dès l'enfance, comme une vaste énigme, à la fois terrifiante et superbe, que nous avons ...
-
" Livré aux seuls gens normaux, le monde n'aurait pas un grand avenir. Cela devrait nous enseigner la tolérance et l'écoute la ...
-
"Oui. On nous oubliera. C'est la vie, rien à faire. Ce qui aujourd'hui nous paraît important, grave, lourd de conséquences, eh ...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire