"Le cri laisse un goût amer dans la bouche, mais cette amertume vient-elle de ce que la bouche fait de lui, ou de la petitesse de notre corps à le recevoir?
Le cri est possible quand il ne triche pas. Il ne supporte pas la délégation. Faire crier, faire bégayer, faire pleurer sont des délégations alors qu'il faut juste crier pour ne pas perdre la puissance de l'affirmation. Faire crier la langue, cela revient à faire du cri une modalité passive de la langue. Et agiter le "faire" devant le cri, c'est déjà accepter la suprématie du mot et de sa syntaxe, le cri n'étant plus qu'un attribut sans intérêt de la langue, un pâle objet de médiation.
Crier pour ne plus faire crier, et la vibration commence."
Alain Milon, La fêlure du cri: violence et écriture, éditions Les Belles Lettres, 2010, pp.112-113
dimanche 31 octobre 2010
dimanche 3 octobre 2010
C'est à (re)lire
"…chaque fois qu'une voix, pour dire ce qui est, prend la parole, il y a en elle, comme le poids qui l'entraîne et la promesse qui la tient, la profusion bruissante de tout ce à quoi elle répond. Nous ne parlons qu'appelés, appelés par ce qui est à dire, et pourtant ce qui est à dire ne s'apprend et ne s'entend que dans la parole même. Nous ne brisons le silence que selon ses propres failles, lui-même en notre voix se brise et résonne (…). Il faut qu'un homme un instant se dresse dans la nuit pour que "le silence éternel de ces espaces infinis" apparaisse comme silence, d'être recueilli dans la voix qui le désigne. La voix qui donne voix, et jusqu'au silence même, ne s'est pas toutefois donnée elle-même à elle-même. Nous parlons pour avoir entendu, et ne cessant d'entendre, toute voix porte en elle plusieurs voix parce qu'il n'y a pas de première voix. Nous parlons toujours au monde, toujours déjà, toujours encore dans le monde, et l'initiative de la parole vient donc toujours lestée d'un passé, d'une charge aussi de parole qu'elle prend sur elle sans l'avoir constituée. Entre ma voix qui parle et ma voix que j'entends, vibre toute l'épaisseur du monde dont elle tente de dire le sens, ce sens qui l'a saisie, et comme happée, de façon immémoriale.
Comment penser l'appel qui nous fait parler ?
Comment penser la parole qui répond, et n'entend qu'en répondant ?
Comment penser la voix où seulement s'incarnent l'appel et la réponse ?
Comment penser cette voix charnelle sans laquelle l'esprit serait en déshérence ?
Si la voix écoute, le corps écoute, par tous les sens: comment penser une telle possibilité ?
Telles sont les questions de ce livre"
Jean-Louis Chrétien, L'appel et la réponse, Les éditions de Minuit, 1992, p.9
Du même auteur, et dans la même veine, La Voix nue. Phénoménologie de la promesse. Les éditions de Minuit, 1990
Comment penser l'appel qui nous fait parler ?
Comment penser la parole qui répond, et n'entend qu'en répondant ?
Comment penser la voix où seulement s'incarnent l'appel et la réponse ?
Comment penser cette voix charnelle sans laquelle l'esprit serait en déshérence ?
Si la voix écoute, le corps écoute, par tous les sens: comment penser une telle possibilité ?
Telles sont les questions de ce livre"
Jean-Louis Chrétien, L'appel et la réponse, Les éditions de Minuit, 1992, p.9
Du même auteur, et dans la même veine, La Voix nue. Phénoménologie de la promesse. Les éditions de Minuit, 1990
Inscription à :
Articles (Atom)
Nous sommes au téléphone depuis une dizaine de minutes, je ne suis pas du tout à l'aise : —Attends s’il te plaît, lui dis-je, donne-moi...
-
"Le monde où nous vivons m'est apparu, dès l'enfance, comme une vaste énigme, à la fois terrifiante et superbe, que nous avons ...
-
"Une histoire nous est-elle encore destinée à l'avenir, chose tout autre que ce qui semble être tenu pour telle à présent : la mor...
-
Nous sommes au téléphone depuis une dizaine de minutes, je ne suis pas du tout à l'aise : —Attends s’il te plaît, lui dis-je, donne-moi...