dimanche 3 octobre 2010

C'est à (re)lire

"…chaque fois qu'une voix, pour dire ce qui est, prend la parole, il y a en elle, comme le poids qui l'entraîne et la promesse qui la tient, la profusion bruissante de tout ce à quoi elle répond. Nous ne parlons qu'appelés, appelés par ce qui est à dire, et pourtant ce qui est à dire ne s'apprend et ne s'entend que dans la parole même. Nous ne brisons le silence que selon ses propres failles, lui-même en notre voix se brise et résonne (…). Il faut qu'un homme un instant se dresse dans la nuit pour que "le silence éternel de ces espaces infinis" apparaisse comme silence, d'être recueilli dans la voix qui le désigne. La voix qui donne voix, et jusqu'au silence même, ne s'est pas toutefois donnée elle-même à elle-même. Nous parlons pour avoir entendu, et ne cessant d'entendre, toute voix porte en elle plusieurs voix parce qu'il n'y a pas de première voix. Nous parlons toujours au monde, toujours déjà, toujours encore dans le monde, et l'initiative de la parole vient donc toujours lestée d'un passé, d'une charge aussi de parole qu'elle prend sur elle sans l'avoir constituée. Entre ma voix qui parle et ma voix que j'entends, vibre toute l'épaisseur du monde dont elle tente de dire le sens, ce sens qui l'a saisie, et comme happée, de façon immémoriale.
Comment penser l'appel qui nous fait parler ?
Comment penser la parole qui répond, et n'entend qu'en répondant ?
Comment penser la voix où seulement s'incarnent l'appel et la réponse ?
Comment penser cette voix charnelle sans laquelle l'esprit serait en déshérence ?
Si la voix écoute, le corps écoute, par tous les sens: comment penser une telle possibilité ?
Telles sont les questions de ce livre"


Jean-Louis Chrétien, L'appel et la réponse, Les éditions de Minuit, 1992, p.9
Du même auteur, et dans la même veine, La Voix nue. Phénoménologie de la promesse. Les éditions de Minuit, 1990

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 Nous sommes au téléphone depuis une dizaine de minutes, je ne suis pas du tout à l'aise : —Attends s’il te plaît, lui dis-je, donne-moi...