mercredi 17 janvier 2018

Le présent du passé

L'a-t-il vraiment entendu ou fait-il semblant de lui prêter une parole qu'elle n'aurait pas prononcée ?Une parole qu'il aurait voulu entendre mais qu'il redoute en même temps.
—Vous semblez si loin, finit-il par lui dire, il le dit en reculant comme pour mieux sentir la distance que pourrait créer entre eux la parole qu'il sollicite et dont l'idée même qu'elle pût lui être adressée l'angoisse aussitôt.
Elle ne vit que le mouvement, et ne sut quoi répondre. L'écho de son silence, bien que prévisible, prit l'homme de court, soudain enveloppé dans le présent d'un passé qu'il n'a cessé de tenir à distance.

vendredi 12 janvier 2018

Julia Kristeva, Je me voyage. Mémoires.

Les membres du Cercle de Lecture se retrouveront vendredi 19 janvier à 20h, chez Christiane dans le 20ème.
Au programme un livre, que je vous recommande "Je me voyage. Mémoires"(1), de Julia Kristeva. Il s'agit d'un livre d'entretiens avec Samuel Dock.

Quatrième de couverture:
"Pour la première fois, la linguiste, psychanalyste, romancière Julia Kristeva — reconnue à l'étranger parmi les plus importants intellectuels de notre époque — dévoile des facettes intimes de sa vie, qu'elle éprouve comme un voyage. Trois quarts de siècle en affinité avec les vertiges identitaires de l'exil et de l'amour.
Ce livre nous donne à voir l'enfant née en Bulgarie, puis la jeune femme découvrant Paris et qui éclot dans le bouillonnement de Saint-Germain-des-Prés des années 1970, mais aussi l'amante, l'épouse, la mère.
Je me voyage nous convie à la suivre dans la chair des mots (…)
Par-delà la genèse d'une œuvre et de sa philosophie, c'est une vitalité existentielle, à l'affût des mutations historiques de notre monde, que nous communiquent ces Mémoires sous forme d'entretiens."

Bonne lecture!

(1) Julia Kristeva, Je me voyage. Mémoires, Fayard, 2016

dimanche 7 janvier 2018

Citation du jour. Valère Novarina

« La plus profonde des substances, la plus miroitante, la plus précieuse des étoffes, la très-vivante matière dont nous sommes tissés, ce n’est ni la lymphe, ni le plasma de nos cellules, ni les nerfs de nos muscles, ni les fibres, ni l’eau ou le sang de nos organes, mais le langage.

La langue : l’autre chair. Nous sommes tressés par son architecture invisible, mus par le croisement et le combat des mots ; nous sommes nourris de leurs intrigues, de leurs jeux, de leurs dérives, pris dans leurs drames. Nous, les Terriens — nous les « Adam », les bonshommes de terre — nous sommes formés de langues tout autant que de tendons, de muscles et d’os. Nous sommes étayés, pétris, bâtis de langues, structurés par elles — quotidiennement modelés par la très vive philologie — chaque jour creusés par la combinatoire imprévue, l’histoire mouvante, la disparition et l’apparition des mots.

Enfants du résonnement et de la raisonnance. Nés des amours et de la lutte des mots. »

Valère Novarina, Voie négative, 2017.

 Nous sommes au téléphone depuis une dizaine de minutes, je ne suis pas du tout à l'aise : —Attends s’il te plaît, lui dis-je, donne-moi...