Il fit semblant de ne pas comprendre.
A l'expression de son visage, elle se demanda ce qui les rendait ainsi étrangers l'un à l'autre. Elle crut bon de le lui dire, mais elle le dit sur un ton qui—elle s'en rendit compte à l'instant même où elle reprit la parole — allait creuser encore d'avantage le fossé déjà profond entre eux.
Il la regardait. De l'air de quelqu'un qui veut se persuader qu'il ne comprend pas ce qui se passe. Son malheur est qu'il comprenait, au contraire. Et que ce n'était la faute ni de l'un ni de l'autre, c'est comme cela que cela se passe, comme cela depuis des années, depuis qu'ils ont renoncé à se parler, c'est-à-dire depuis qu'ils n'entendent plus le silence des mots, de ce qu'on n'entend plus par usure.
NB: je remercie mon amie Christiane Veschambre, écrivaine, elle anime chez elle depuis des années "Un temps à soi pour écrire", des ateliers d'écriture une fois par mois. Je participe à celui de samedi après-midi. Au cours de la dernière rencontre, Christiane nous a lu un extrait du dernier livre de Pascal Quignard "L'homme aux trois lettres", pour nous inciter à notre tour à aller librement dans l'exploration de ce qui vient, et ce qui est venu pour moi c'est le texte que vous venez de lire, à vrai dire j'en ai écrit deux, je publierai l'autre (encore plus court) ici bientôt. Une phrase de Guignard a en particulier accompagné ce temps à soi pour écrire : "Ecrire c'est lire ce qu'on ne voit pas dans le silence de ce qu'on n'entend plus."
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