dimanche 22 juin 2008

Citation du jour

"Le "détachement", selon Maître Eckhart, poussé jusqu'au renoncement aux projections imaginaires du soi identitaire après la mort propre : le même dans le même temps, celui de ma propre vie avant la mort et celui des survivants qui me survivront : voilà ce qui est à perdre. La mort est vraiment la fin de la vie dans le temps commun à moi vivant et à ceux qui me survivront. La survie, c'est les autres (…). p.76
J'ai été souvent touché par une idée que je crois venir de Whitehead : la mémoire de Dieu. Dieu se souvient de moi. Difficile de ne pas le mettre au futur : Dieu se souviendra de moi. Risque d'en faire une forme hypocrite de la projection imaginaire, de la "consolation" comme concession à l'imaginaire —bref, comme détachement imparfait. 
Apparaît ici, pour la première fois, la question du rapport vertical entre temps et éternité. La phrase "Dieu se souvient de moi" est dite au présent éternel, qui est le temps du fondamental, de l'essentiel. Mais, en raison de la finitude de la compréhension humaine (…), je ne puis que "schématiser" ce présent éternel du souci divin (…). 
Qu'est-ce qui peut m'aider à séparer le "schématisme" du mémoriel divin du détachement imparfait ? Seulement l'idée de la grâce. La confiance dans la grâce. Rien ne m'est dû. Je n'attends rien pour moi ; je ne demande rien ; j'ai renoncé — j'essaie de renoncer! — à réclamer, à revendiquer. Je dis Dieu, tu feras ce que tu voudras de moi. Peut-être rien. J'accepte de n'être plus.
Alors, une autre espérance que le désir de continuer d'exister se lève." 
(Paul Ricœur, Vivant jusqu'à la mort, Seuil, pp.76-79)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci pour les extraits de « Vivant jusqu’à la mort » - Comme prévu je ne comprends pas tout ! Mais juste une petite partie visible de « l’iceberg Ricoeur »… :
D’abord le « renoncement » à soi, la libération du « désir de continuer d’exister » : ça me rappelle Quelqu’un d’autre, qui dit : « celui qui ne renonce pas à tout ce qu’il possède ne peut pas être mon disciple » ; « quiconque voudra sauver son âme la perdra » etc. : et là cela rejoint l’essentiel, à mon avis : la confiance en la grâce.
Se décharger du fardeau de nous-même pour que ce soit Lui qui le porte. Pour l’après-mort, c’est acquis. Mais j’ai envie d’aller plus loin :
Je crois que c’est de notre vivant que nous avons encore plus besoin (besoin vital !) de la confiance en la grâce, sous un autre aspect : la ferme conviction de la présence de Dieu. Ici et maintenant. Dieu « se souvient » de nous, c’est au présent que j’aime la formule : il se souvient, il ne nous oublie pas, ne nous rejette pas, ne nous abandonne pas. Il n’est pas « absent », (ça ce n’est que l’illusion / le cauchemar des humains!) – il est bel et bien présent. C’est d’ailleurs pour cela que nous pouvons vivre, je crois.
Vivre : vivre vraiment, c’est-à-dire comme quelqu’un qui aurait « renoncé » à soi-même, (je n’en suis pas capable mais je repose sur Lui mon incapacité) et qui du même coup peut désormais surmonter les peines, et aussi, et surtout, savourer les joies
C’est comme cela que je ressens les choses. Mais est-ce ce que Ricoeur a voulu dire ??…

A bientôt
"Dominique"

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