mercredi 4 juin 2008

Citation du jour

"Vous croyez perdre votre vie quand vous mourez, 
Alors que vous perdez jamais que ce qui était en trop.
Vous vous lancez dans de grands mots
Vous n'avez pas su nommer les choses d'ici,
Vous n'avez pas vu ! 
Les morts ne quittent jamais que des os.
— Délivre-moi, Seigneur, de l'abondance de paroles 
Dont je souffre à l'intérieur, 
Car ma pensée ne se tait point, 
Lors même que ma bouche se tait.
Nous multiplions les paroles au lieu d'attendre ta parole. 
Quand nous t'aurons atteint, 
Cesseront les paroles que nous multiplions sans t'atteindre !"

Valère Novarina, L'Espace furieux, p. 50-51, édit. P.O.L, 2006

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci à vous pour votre commentaire en réponse. C’est effectivement beaucoup plus amusant, avec l’anonymat. Cela me rappelle indirectement que quand j’étais enfant, quelqu’un nous avait dit à l’école : « maintenant vous êtes des enfants, c’est pourquoi vous parlez différemment selon que vous vous adressez à l’institutrice, à vos parents, à vos camarades ou à des personnes inconnues ; quand vous serez grands, vous serez quelqu’un par vous-mêmes et vous saurez qui vous êtes, cela vous fera parler de la même façon à tout le monde » - je me dis maintenant que c’est peut-être une des rares choses importantes que j’aie apprises à l’école !
Je voulais attendre pour vous écrire d’avoir lu votre bibliographie sur la suite et fin de l’épisode du chien… mais la nouvelle citation incite à en savoir plus – vous semblez voir la mort de façon tranquillement positive ?

Anonyme a dit…

"Seigneur nous multiplions les paroles au lieu d'attendre ta parole" - ça c'est génial, c'est la meilleure citation du blog! Et si on remplaçait "attendre" par "entendre", est-ce que ce ne serait pas encore mieux? Qu'en pensez-vous?

Alkaly Cissé a dit…

Valère Novarina parle de la vie et non de la mort : les morts sont des vivants qui se sont séparés de ce qui est mortel, ce qui est en trop, c'est-à-dire le corps (les os). Mais de la mort elle-même nous n'en pouvons rien dire, nos mots sont trop pauvres et donc trop prétentieux pour parler de ce qui échappe littéralement au langage.
Personnellement, j'entends ici l'angoisse des humains face au mourir : parler, multiplier les paroles, les discours pour cacher (comme on joue à cache-cache) l'angoisse qu'un jour il me faudra bien me résoudre à mourir.
Or "les morts ne quittent jamais que des os".
C'est ici que la prière prend le relais, non pour nommer ce qui échappe à la pensée, mais pour demander la "délivrance" :
— "Car ma pensée ne se tait point, lors même que ma bouche se tait".
Prier, c'est apprendre à attendre. Attendre quoi ? La parole, celle du Seigneur. L'attente requiert le silence intérieur, l'attente coupe les jambes à l'impatience, et le silence prépare à l'écoute d'une parole autre, celle de Dieu qui vient à notre rencontre.
Ce que Valère Novarina décrit ici avec beaucoup d'humilité me fait penser à un autre grand texte, celui de Paul Ricœur : "Vivant jusqu'à la mort", livre posthume publié au Seuil. Afin de prolonger notre réflexion sur le sujet, je mettrai bientôt sur le blog un large extrait de cet ouvrage fort courageux et de grande lucidité.
A bientôt.
Alkaly

Anonyme a dit…

« Les morts sont des vivants qui se sont séparés de ce qui est en trop » : entièrement d’accord avec vous. C’est justement cela que j’appelais, bien maladroitement, « voir la mort de façon tranquillement positive ».
Merci beaucoup pour votre explication lumineuse sur la prière. Là aussi il me vient l’envie de remplacer "attendre" par « entendre » ; pour ma part j’aimerais plutôt dire que prier c’est apprendre à entendre. Mais en… attendant, j’aimerais beaucoup effectivement lire sur le blog vos extraits de Ricoeur (si vous pouvez les choisir faciles à comprendre pour les profanes, ça me serait précieux, en général je ne comprends rien à Ricoeur!) – A part cela, j’aime entre autres votre choix de musiques et vidéos
A bientôt
« Dominique » (prénom provisoire – pour refléter la joie de la halte dominicale)

 Nous sommes au téléphone depuis une dizaine de minutes, je ne suis pas du tout à l'aise : —Attends s’il te plaît, lui dis-je, donne-moi...