lundi 21 décembre 2009

A VOUS TOUS, D'ICI ET D'AILLEURS…

                   J S     FETES
                                        
                                         ET


                         MEILLEURS    VŒUX


                                 POUR    2010!

dimanche 20 décembre 2009

Citation du jour

"Est-il possible qu'on n'ait encore rien vu, rien su, rien dit qui soit réel et important ?"
Rainer Maria Rilke 

jeudi 17 décembre 2009

Paul Klee

"Messieurs les critiques disent souvent que mes tableaux ressemblent aux gribouilles et aux barbouillages des enfants, si seulement c'était vrai!"

dimanche 6 décembre 2009

Claude Lévi-Strauss

j'ai retrouvé la citation exacte de C.L.-S dont nous discutions récemment sur le blog, et que j'avais citée de mémoire. C'est dans un livre d'"Entretiens" avec Didier Eribon1:


"…même si je reste sourd aux réponses religieuses, je suis de plus en plus pénétré du sentiment que le cosmos, et la place de l'homme dans l'univers, dépassent et dépasseront toujours notre compréhension. Il arrive que je m'entende mieux avec des croyants qu'avec des rationalistes à tous crins. Au moins les premiers ont le sens du mystère. Un mystère qu'à mes yeux, la pensée apparaît constitutionnellement impuissante à résoudre."


1. Claude Lévi-Strauss, De près et de loin, éditions Odile Jacob, 1988, p.14

mercredi 25 novembre 2009

C'est à lire…

"Au fondement des sociétés humaines, il y a du sacré.
Autant le savoir, et apprendre le secret de fabrique de ce qu'en Occident on appelle le "politico-religieux", en ces temps où le lien social se distend, où la logique communautariste et identitaire semble l'emporter sur ce qui rassemble.
Ce livre est le fruit de quarante années de recherche, par l'anthropologue français le plus discuté à l'étranger après Claude Lévi-Strauss, et dont le parcours a été marqué par quatre étapes majeures sur le chemin de cette conclusion fondamentale, chacune d'elles faisant ici l'objet d'un chapitre:
— il est des choses que l'on donne, des choses que l'on vend, et d'autres qu'il ne faut ni vendre ni donner mais garder pour les transmettre ;
— nulle société n'a jamais été fondée sur la famille ou la parenté ;
— il faut toujours plus qu'un homme et une femme pour faire un enfant ;
— la sexualité humaine est fondamentalement a-sociale.
Un livre de référence, qui vaut aussi introduction générale à l'œuvre de Maurice Godelier"

(Quatrième de couverture)
Maurice Godelier, Au fondement des sociétés humaines. Ce que nous apprend l'anthropologie. Albin Michel, 2007, 287p.
Du même auteur, je vous recommande L'Enigme du don, Fayard, 1996

samedi 7 novembre 2009

Citation du jour

"Je suis athée, mais je préfère parler avec des gens qui croient"
Claude Lévi-Strauss

samedi 31 octobre 2009

Le temps

"Fallait-il penser le "temps"?
Non point, qu'on entende bien la question, comment penser le temps — là-dessus, la philosophie n'a cessé de disserter — mais, de façon plus radicale, avait-on besoin, et pour quoi faire, d'un concept de "temps"?
Cette question, je crois qu'on n'a pas imaginé de la poser.
Car le "temps" ne cesse d'habiter notre pensée quotidienne, à titre d'évidence, et de la mouler ; et, si toute l'histoire de la philosophie, le recevant comme un donné, n'a cessé, à travers ses renouvellements, d'en interroger l'énigme, c'est sans sortir du cadre notionnel qui, dès l'abord, dans la langue, s'imposait à elle (…)
Y aurait-il une alternative à la pensée du temps ?
Et, de fait, de dessous cette question du temps, c'est bien celle du "vivre" que je me propose de tirer au jour, pour l'aborder à nouveaux frais ; ainsi que, pour être en mesure de déployer la notion du vivre en la décollant du temps, celle des conditions de possibilité de sa prise en charge par la philosophie. Car vivre — mais non pas une vie comme on en parle du dehors, s'agirait-il de "sa" vie — ne se passe pas en début et fin ; vivre en soi n'est pas de l'ordre du déplacement du mobile et de la traversée.
Et, d'autre part, comment vivre au "présent" si celui-ci, selon la définition physique, n'est qu'un point sans extension, un in-stant sans maintenant possible ? (…) 
Faire un détour par la Chine, au fond, nous servirait à cela: en passant par d'autres cohérences, ignorantes de nos constructions subjectives, il s'agit de porter à la réflexion ce qui ne cesse d'être impliqué par notre expérience, et même que nous ne cessons de dire au quotidien, mais que, de par les choix qui sont les siens, n'a pu penser la philosophie. 
Chemin faisant, j'ai donc tenté de dégager une autre perspective que celle du surplomb du temps et du grand drame — existentiel" — qu'elle organise ; j'ai pris, à l'essai, le parti d'une sagesse qui, dans son ouverture au "moment" et face à l'angoisse de la mort, dirait une insouciance qui ne soit pas une fuite (…)
Mais puis-je vraiment m'en tenir là ? En se laissant confronter, la question du "temps" et la pensée du "vivre" se réfléchissent et, je l'espère, s'éprouvent et se travaillent ; mais, je le constate, elles ne s'intègrent pas — , je n'ai pas vu comment dépasser, sur un tel sujet, l'antinomie de la sagesse et de la philosophie."


François Jullien, Du "temps". Eléments d'une philosophie du vivre. Grasset, 2001, p.7-9.





lundi 19 octobre 2009

L'attente!

Invariablement, depuis deux ans, notre conversation tient en deux phrases:
Comment allez-vous, Madame O.?
Ma foi, on est là… (elle marque un bref arrêt), puis ajoute — j'attends!
Alors, je m'assois à côté d'elle, et nous attendons.
Son regard fixe et vide me touche et me questionne tout à la fois.
De quoi est-il l'expression?
Ainsi assis, côte à côte, nous attendons, chacun plongé dans ses pensées.
Les miennes ouvrent sur le présent de l'attente:
 Comment Mme O. habite-t-elle l'attente?
Elle, sans doute, avec ses souvenirs, l'avenir n'existant plus pour elle.
A 80 ans, la Maison de retraite est sa dernière demeure.
Sauf qu'elle n'a pas choisi elle-même d'être ici.
Plus tard, ses enfants me diront qu'ils n'avaient pas le choix non plus.
Le choix, justement, ce mot me revenait à l'esprit à chacune de mes rencontres avec Mme O.
— La mort n'est pas un choix, la vie non plus, du moins en ses commencements, me disait, l'autre jour, un autre pensionnaire plutôt philosophe.
— Après, chacun a la possibilité de choisir la vie, sa vie, avant qu'on choisisse à nouveau pour vous, concluait-il.
Mme O. sait, elle, ce qu'elle attend maintenant, ou plutôt ce qui l'attend, mais ce n'est pas ce qu'elle veut.
Ce qu'elle veut, c'est de retourner dans sa maison.
Elle le veut tout en sachant que cela est impossible.
C'est cet impossible, synonyme de non retour, qui donne l'impression que le temps s'est arrêté pour Mme O.
Comme si elle ne pouvait plus rien attendre du temps qui s'est figé avec elle…
Cependant, nos rencontres hebdomadaires, dans leur brièveté même, ne remettent-elles pas du mouvement dans nos deux existences ?
N'est-ce pas cela vivre dans le présent, dans le moment présent ? Ce moment qui nous saisit dans le vif de nos singularités!

lundi 5 octobre 2009

Citation du jour: "Quand nos yeux se touchent, fait-il jour ou fait-il nuit ?" (signer une question d'Aristote)

"Ne faut-il pas choisir entre regarder, voire échanger ou croiser des regards, et voir, tout simplement voir? et d'abord entre voir le voyant et voir le visible ? Car si nos yeux voient du voyant plutôt que du visible, s'ils croient voir un regard plutôt que des yeux, dans cette mesure du moins, dans cette mesure en tant que telle, ils ne voient rien, dès lors, rien qui se voie, rien de visible. Ils sombrent dans la nuit, loin de toute visibilité. Ils s'aveuglent pour voir un regard, ils évitent de voir la visibilité des yeux de l'autre pour ne s'adresser qu'à son regard, à sa vue seulement voyante, à sa vision (…).
Est-ce le jour, ici, à cet instant ? (…)
Faudrait-il faire la nuit, faire paraître la nuit pour se voir regarder l'autre ou pour se voir regardé par l'autre ? Pour voir l'autre nous voir, soit à la condition qu'alors nous ne voyions plus la visibilité, seulement la voyance des ses yeux ? Est-ce cela, la nuit, notre première nuit, le premier sens, le sens fort du mot "nuit" ?
Le premier qu'il nous faille avoir le goût d'entendre, avant de voir ou de toucher ?
—Répétons cette question. Mais déplaçons-la cependant en prenant acte de son déportement: "Est-ce le jour, alors, à cet instant ? Est-ce la nuit ?
Si l'on répond "la nuit", ne dirait-on pas que dans la constance de ce contact, dans l'interruption consentie qui les tient ensemble, les yeux se touchent alors en aveugles ?
Cependant, elle m'objectait, celle que je surnomme la question, ou je m'objectais, moi-même, à moi-même: "à moins qu'ils ne commencent ainsi à s'entendre, justement".
— Mais justement, quand je croise ton regard, je vois et ton regard et tes yeux (…), et tes yeux ne sont pas seulement voyants mais visibles. Or parce qu'ils sont visibles, je pourrais les toucher, justement, du doigt, des lèvres et même des yeux…"


Jacques Derrida, Le toucher, Jean-Luc Nancy, éditions Galilée, 2000, p.12-13. (Livre de philosophie, 354p). C'est à lire, pour aller à la rencontre de la pensée du "toucher" dans l'œuvre de Jean-Luc Nancy, vue, regardée, touchée par Derrida!

jeudi 1 octobre 2009

Guinée: Conakry compte ses morts.

C'est à la Une de presque tous les journaux depuis plusieurs jours. Conakry, la capitale de la Guinée, est devenue une ville morte, suite à une sanglante répression contre les manifestants venus soutenir des leaders de l'opposition.
Bilan officiel : 57 morts, mais l'organisation guinéenne de défense des droits de l'Homme avance 157 morts et un millier de blessés. C'est trop!
"L'armée est devenue le corps malade du pays", disait avec justesse un observateur de la scène politique africaine. En effet, l'armée est omniprésente depuis la mort du premier dictateur, Sékou Touré, en 1984. Moussa Dadis Camara, le chef de la junte actuelle, est venu au pouvoir grâce à un putsch le 23 décembre 2008, à la suite du décès d'un autre militaire-dictateur, L. Conté, en promettant d'assurer la transition en vue des élections libres.
Or, depuis cet été, il a clairement laissé entendre sa décision de se présenter aux élections présidentielles. D'où la manifestation de protestation de l'Opposition lundi dernier. D'où la répression: des soldats tirent sur les manifestants, tuent, pillent, violent…
La communauté internationale a condamné dans son ensemble le comportement irresponsable de la junte au pouvoir. Mais elle ne doit pas s'arrêter là, comme l'a si bien exprimé Mme S. Belhassen (présidente de la Fédération internationale des Droits de l'Homme) elle doit contraindre Dadis Camara à respecter les droits de l'Homme et sanctionner les auteurs des crimes graves perpétués cette semaine, et assurer à la Guinée une transition et les élections libres et transparentes.
J'ose espérer que les choses peuvent évoluer dans ce sens, car voilà plus de cinquante ans (depuis l'indépendance) que mon peuple souffre, endure, et pour finir se fait tirer dessus comme des lapins!

C'est très rare dans ce blog, je crois, que je fasse une entorse au principe qui a guidé à sa création, à savoir: ne parler que des livres, rien que des livres. Mais, voilà, parfois il faut savoir passer outre ses propres principes… Quitte à y revenir.
Merci de votre soutien au peuple guinéen!

mardi 8 septembre 2009

Mon salut de peine à l'Ami Jean-Michel

Douleur!(1)

Mon cher Jean-Michel, la nouvelle de ta mort, attendue et redoutée à la fois, est tombée ce matin comme un cailloux dans mon cœur. En pleine réunion, je suis devenu soudain absent à moi-même, plombé d'émotion et incapable de le dissimuler… Je suis parti.

"Voici le moment où le lac gèle à partir de ses rives et l'homme à partir de son cœur."


La première fois que je l'ai lue, cette phrase (extraite du recueil de poèmes de l'écrivain Tchèque Vladimir Holan), c'était il y a une douzaine d'années, suite à une autre perte, celle de mon épouse, qui me plongea pendant longtemps dans une brume cotonneuse, où je n'échappai à l'effondrement que grâce à la présence de mes enfants et à l'amitié soutenante des uns et des autres.
Nous ne nous connaissions pas encore, toi et moi, cela arrivera quelques années plus tard en région parisienne grâce à une amie commune qui a eu la gentillesse de me présenter "l'artiste-peintre"Aquino, ton nom d'emprunt. Depuis ce jour, presque tout le temps, nous avons été en lien; tu m'as introduit dans ton milieu à la fois simple et raffiné, vrai comme toi, drôle, ouvert et libre…
De mon côté, je t'ai laissé découvrir ou sentir ce qui me faisait vibrer à la vie, Dieu d'abord, mes enfants, mes amis, les livres, le jazz, la liberté (toujours à conquérir) de pouvoir penser par moi-même…
Nous nous sommes compris tout de suite et le temps n'a fait que renforcer notre amitié, malgré l'éloignement, toi au Maroc et moi à Nîmes.

Douleur!


Impossibilité et vanité du langage quand la mort frappe un être cher. On ne peut dire, je ne peux dire ici que des banalités, puisque l'essentiel (hors-langage) se dérobe.
Deux semaines plus tôt je suis venu te rendre visite à Paris, avec une amie, dans la clinique où tu étais sensé te reposer ; mais tu n'étais pas dupe, tu savais — on en a parlé — que la mort, ta mort était très proche. Alors, les yeux humides et la gorge nouée, nous avons parlé et préparé l'après. Tu n'étais pas vraiment croyant, mais tu me faisais confiance —je ne sais pas pourquoi —et tu tenais à ce que ce soit moi qui préside tes obsèques en présence de tes "nombreux" amis! Je me suis senti, tu as dû le voir car on ne se quittaient pas des yeux, soudain confronté à une impossibilité douloureuse de prendre la parole devant ton cercueil que j'imaginais, déjà, posé dans le Temple!
Mais comment dire non à ta demande ?

Douleur!


"Il se sentait desséché,
Comme une fontaine qui n'aurait pas eu assez de son eau,
Un barrage de sa rivière, une bouteille de son vin…
Et même quand il se disait 
Que le présent se succédait trop vite à lui-même
Pour n'être pas déjà le futur,
Il sentait que dans l'un aussi bien que dans l'autre
En fin de compte l'homme se mourrait,
S'il ne souffrait jusqu'au non-sens…
Et s'il souffre tant que cela, comment se fait-il
Qu'il ne pleure pas de lui-même
Comme parfois les cloches d'elles seules sonnent ?
Et pourtant il le fait…" (item, p.61)

Douleur!


Ce matin au téléphone avec ta mère nous avons convenu que le service religieux aura lieu le lundi prochain, au Temple de Villeneuve St Georges, où tu n'as pénétré de ton vivant, si mes souvenirs sont bons, qu'une ou deux fois. Tu as dû trouver que c'était suffisant. Peut-être que tu ne voulais pas en abuser tout simplement, comme certains peuvent abuser d'un bon vin…

Tu nous as donc donné rendez-vous (le dernier que tu aies fixé de ton vivant), à tes parents, amis et collègues dans un lieu de prière et de recueillement…
C'est certainement un message que tu nous adresses. Pour l'instant je ne peux pas, je ne veux pas le déchiffrer, et c'est peut-être mieux ainsi.
Voilà, Jean-Michel Blan/Aquino, mon ami, voilà mon salut de peine et de parole incertaine.
Tu es resté vivant jusqu'à la mort, comme dirait Paul Ricœur. Repose en paix maintenant. Ton œuvre survivra, car elle se réinscrit désormais dans le temps immortel, "temps trans-historique de la réception de l'œuvre par d'autres vivants qui ont leur temps propre."2
Nous voici devenus des veilleurs!

Alkaly

Ps: je conserve, bien sûr, ton site sur le blog 3, à moins que cela te dérange. Tu me le diras, hein ?

(1)Vladimir Holan, Douleur, éditions Metropolis, 1994
(2) Paul Ricœur, Vivant jusqu'à la mort, Seuil, 2007
(3) http://www.artmajeur.com/blankino

vendredi 28 août 2009

Réfléchir ou penser ?

"Le plus souvent nous ne pensons pas, nous réfléchissons ; nous reflétons ce qui nous arrive sans le transformer ni le comprendre."
Jean-Luc Marion

De cet auteur, vient de paraître :
Au lieu de soi. L'Approche de saint Augustin. édit. PUF, 480 p.

mercredi 26 août 2009

Mes lectures d'été

Mes amis me demandent souvent:
— Mais que lis-tu donc, Alkaly, pendant tes congés, étant donné tous les bouquins qui encombrent ta bibliothèque ?
C'est vrai, j'ai l'embarras du choix. En général j'embarque une dizaine de livres avec moi pour trois semaines de vacances, mais comme je lis tous les jours toute l'année et que j'ai besoin de vivre autre chose et autrement pendant les vacances, je n'arrive à finir que deux ou trois ouvrages en été!
Alors, cette année, j'ai décidé d'être plus économe et plus sélectif: j'ai emporté quatre livres, seulement!
*Le premier est une relecture, celui du philosophe et sinologue François Jullien: Nourrir sa vie à l'écart du bonheur, Seuil. Une phrase en dit long:
"Sa vie est comme flotter, sa mort comme se reposer."
"Flotter", explique l'auteur, dit la capacité à ne s'immobiliser dans aucune position en même temps qu'à ne tendre vers aucune direction ; à la fois à se maintenir en mouvement continu, entraîné par l'alternance respiratoire du flux et du reflux, et à ne pas y subir de dépense ou y risquer de résistance…
Bref, un livre pour détourner la pensée de sa visée possessive et utilitaire, un livre pour respirer plein les poumons et l'esprit.
*Le second et le troisième livres sont deux ouvrages de Martin Heidegger, là aussi, il s'agit de livres que j'ai eu envie de relire:
1) Acheminement vers la parole, Gallimard.
Il s'agit d'un recueil de six textes (quatre conférences, un essai et un dialogue). Etape ultime d'un long itinéraire de pensée. Ce qui est pensé ici plus précisément c'est la relation qu'entretiennent, depuis leur origine, être et parole. Encore plus précis: l'auteur décrit l'expérience que fait la pensée face à la parole. "Faire une expérience, écrit M.H, c'est atteindre quelque chose en passant par un chemin". Acheminement vers la parole donc, c'est-à-dire le "mouvement" dont la parole est l'aboutissement.
2) Questions IV, la phénoménologie et la pensée de l'être, Gallimard.
Ce recueil de textes comprend, entre autres, plusieurs conférences et séminaires, rassemblés plus tard dans un ouvrage publié à l'occasion du Quatre-vingtième anniversaire de Heidegger (1969) sous le titre (trad. française) Droit à la pensée. Dans au moins trois de ces textes Heidegger précise la situation de sa pensée par rapport à son Maître et père de la phénoménologie, Husserl.
Livre difficile mais passionnant!
*Le quatrième livre est une découverte récente, un roman:
Vincent Delecroix, Ce qui est perdu. Gallimard.
L'auteur est déjà bien encensé par la critique littéraire, ce qui est rare et ici largement mérité. Le narrateur essaie de se remettre d'une rupture amoureuse, par l'écriture d'une biographie du philosophe danois Kierkegaard. Ce philosophe (protestant) mélancolique n'eut qu'un seul amour, qu'il perdit volontairement et ne cessa, dès lors, de lui parler à travers ses livres. Delecroix excelle ici dans l'auto-dérision, il s'en dégage cette "impression de densité et de légèreté simultanées" (Florence Noiville, Le Monde).
Bonne fin d'été à tous!
Et à bientôt sur le blog où j'attends vos réactions, et pourquoi pas vos nouvelles d'été: et vous, qu'avez-vous lu pendant ces vacances ?
A. Cissé

lundi 3 août 2009

Citation du jour

"Ecris.
— Pour qui ?
— Pour les morts, pour ceux que tu aimes, dans un monde qui fut.
— Mais le liront-ils ?
— Non !"

Kierkegaard, Papirer, IV A 126 (1843)

lundi 27 juillet 2009

un fragment d'existence soustrait au temps

Ce devait être une séance comme une autre.
Il parlerait, associerait, superposerait des images…entre lesquelles s'intercalerait, involontairement, un rien de silence, que sa voix à elle, sa voix neutre et rassurante, viendrait interrompre en l'interrogeant par un "Et…!?" appuyé.
Il sursauterait alors, comme sorti brutalement d'un rêve mille fois visité, et parlerait encore, et associerait, se laissant porter par l'évocation des images plus ou moins insolites, des souvenirs plus ou moins agréables, des plus jouissifs aux plus repoussants…
Il s'écouterait se raconter sans jamais pouvoir rencontrer ce "je" qui prétend parler pour lui, en son nom propre.
Sa voix, à elle, à la fois douce et sans appel, lui indiquerait la fin de la séance, par un "Bien!", bien appuyé.
—"Déjà?", réussirait-il à marmonner en se levant.
Il paierait, lui serrerait la main et descendrait les escaliers comme un somnambule.
Ce jour-là, pourtant, rien ne se passa comme prévu.
Il venait de rompre une relation devenue trop compliquée, pour ne pas dire plus. Aussitôt étendu, il voulut parler, mais c'est le silence qui s'installa.
—"Et…!!?", demanda la voix.
Elle répétera. Insistera: "Pouvez-vous décrire ce que vous ressentez ?"
Il pleurait.
—"Je…Je…vois un bé…bé secoué par… des larmes, dans une solitude sans nom…."
—"Continuez, n'analysez pas, dites seulement ce que vous voyez".
—"Dehors, il peut. Dans la pièce brûle une petite lampe à pétrole… Je vois des ombres, dont celle d'une jeune femme, s'éloigner… La jeune femme s'arrache des bras minuscules qui cherchent désespérément à la retenir…"
— "Continuez…"
— "J'ai peur…Maman, ne m'abandonne pas! Reviens…reviens, s'il te plaît".
—"Continuez", encourageait la voix.
Mais il n'avait plus de voix.

A. Cissé



mercredi 1 juillet 2009

C'est à lire…

— "Curieux comme tant de gens dont nous respectons l'intelligence s'en servent…bêtement, tu ne trouves pas ?
— Ah! Tu ne vas pas te lancer dans une diatribe contre la sottise ?
— Mais non. Je te parle des gens informés, cultivés, et donc a priori pas sots, qui sont malgré cela victimes et propagateurs d'une pensée uniformisée.
— Pas facile de comprendre l'éternel phénomène du conformisme…
— Je ne dirais pas éternel: il s'agit d'aujourd'hui. Je veux comprendre comment un esprit sophistiqué et en apparence libre en vient souvent à patauger dans les poncifs et les idées toutes faites. Je crois qu'on peut identifier des mécanismes qui produisent de la bêtise dans l'intelligence. Certains sont bien connus, mais d'autres sont de pures nouveautés.
— Tu ne voudrais quand même pas dire que la bêtise s'améliore ?
—Et comment! Elle se renouvelle sans cesse. D'ailleurs, si elle était toujours semblable à elle-même, on finirait par s'en méfier, non ?"

Belinda Cannone La bêtise s'améliore, Stock, 2007

Belinda Caronne est romancière et essayiste. Elle a publié cinq romans dont L'Homme qui jeûne et plusieurs essais parmi lesquels L'Ecriture du désir (prix de l'essai de l'Académie française 2001) et Le sentiment d'imposture (grand prix de l'essai de la Société des gens de lettres 2005).

samedi 6 juin 2009

C'est à lire…

"C'est pas comme un bijou mais ça se porte aussi, un secret. Du moins, lui, c'était marqué sur le front qu'il portait une histoire qu'il n'a jamais dite. Ou bien, s'il l'a dite, c'est à mi-teinte à travers des formules à lui, tout en mystères, quand pour seule vérité il a laissé, griffonné dans sa chambre, sur un post-it, un bout de phrase écrit au stylo à bille noir mais dont l'encre était complètement foutue. Il aura fallu qu'il appuie méchamment tant elle lui tenait à cœur, sa phrase. Sa mère a dit, Luc, il pouvait pas partir sans nous laisser de sa bouche la phrase qui s'y promenait.
Marthe a baissé les yeux pour raconter ça, cette histoire de phrase qu'il aurait eue dans la bouche. Et puis elle a passé ses doigts sur ses lèvres et il y avait de la salive aux coins, des taches blanches que les doigts ont enlevées juste avant qu'elle dise que tout ça c'était peut-être arrivé parce qu'à force d'être trop proches ils n'avaient rien pu voir de ce qui n'allait pas…"

Laurent Mauvignier, Loin d'eux, éditions de Minuit, 1999, p.9.

C'est son premier roman, il en a écrit plusieurs depuis, dont Apprendre à finir publié en 2000 et qui obtint le prix du Livre Inter.
A sa sortie, Loin d'eux fut salué par la critique comme un grand roman. Patrick Kéchichian, du Monde, résumait ainsi le livre:
"Barrière des générations. Difficultés concrètes de la vie. Mal-être des jeunes gens. Ces constats ne sont aptes à dire que leur impuissance. Personne, ni des parents ni des enfants, ne porte la responsabilité de ce silence qui s'est accumulé, de ce langage absent qui, peu à peu, s'est substitué à l'autre langage, celui dans lequel on peut se parler. Tous le subissent, ce silence, comme une fatalité, comme une protection aussi. Tous l'éprouvent, cette solitude à plusieurs que l'image de la famille amplifie, mais qu'elle ne compense jamais. Tous sont condamnés à ne rien partager de ce malaise, de cette douleur".
Oui, c'est à lire.
Bonne lecture donc, et n'hésitez pas à faire part de vos réactions sur le blog.

jeudi 4 juin 2009

Bravo Christiane Veschambre!

COMMUNIQUE PRESSE

 Prix des Explorateurs : le palmarès des collégiens des Yvelines

 Créé en 2005 à l'initiative de la Maison de la Poésie de Saint-Quentin-en-Yvelines, le Prix des explorateurs a pour ambition de faire découvrir la poésie contemporaine aux collégiens.

 Pour cette édition 2008/2009, 5 ouvrages ont été sélectionnés par la Maison de la Poésie, le Musée de la ville et les médiathèques ainsi que des poètes et enseignants.

 Thème retenu : le temps.

Après plusieurs mois de lectures et d'échanges, les 200 collégiens investis dans ce projet ont désigné non pas un, mais deux lauréates, arrivées ex-æquo :

Christiane Veschambre pour son recueil Robert et Joséphine, éd. Cheyne, 2008

 Valérie Rouzeau pour son texte Apothicaria, éd. Wigwam, 2007

 La remise des prix se déroulera le lundi 8 juin à 14h à la Maison de l'Environnement, des Sciences et du Développement Durable, en présence de l'une des deux lauréates : Christiane Veschambre.

Post-scriptum: Bravo à Christiane Veschambre, auteur par ailleurs de Les Mots pauvres dont nous avons déjà parlé sur ce blog!  Nous sommes plusieurs amis et lecteurs fidèles à nous réjouir de cette distinction: que des jeunes soient touchés par Robert et Joséphine ne me surprend pas personnellement, peu de lecteurs résisteraient à la poésie de ce recueil!

A.C

 

samedi 9 mai 2009

Leçon de vie

j'ai revu R… cette semaine. On lui a fait changer de chambre, du sous-sol au rez-de-chaussée. Une nouvelle chambre exposée aux caresses de la lumière la journée entière, avec vue sur la verdure, bien qu'elle n'y voie plus grand-chose. 
Il y a un mois R… était donnée mourante, cela ne l'a même pas impressionnée: "La peur de la mort ? Je ne connais pas", me confie-t-elle en souriant.
— "Vous êtes donc prête à partir…?" 
— "Ohoo… oui!, me fit-elle, en levant les bras au ciel.
A bientôt centenaire, elle n'éprouve aucun regret, à part un seul, me murmure-t-elle: celui de ne plus pouvoir lire! 
Je lui dis que je la comprends.
Est-ce ce goût, cette passion commune pour les livres qui me fait me sentir si proche de R…?
 —"Dieu m'a accordé une longue vie, reconnaît-elle, mais à présent que mes yeux ne peuvent plus déchiffrer les lettres, les mots, et même le visage des proches… comme le vôtre, à quoi bon prolonger ce voyage?"
A cet instant, je me sens comme appelé dans l'espace lumineux d'un présent où m'est offert à la fois l'amitié et l'hospitalité, où ma propre présence se fait gratitude, émerveillement…!
Merci R…
Et à la semaine prochaine pour une autre leçon de vie.

vendredi 17 avril 2009

Citation du jour

"Quand on arrive au monde, on pourrait être tout, mais pour devenir quelqu'un, il faut renoncer à tous les autres qu'on aurait pu devenir."
Boris Cyrulnik

samedi 4 avril 2009

Citation du jour

"Le monde où nous vivons m'est apparu, dès l'enfance, comme une vaste énigme, à la fois terrifiante et superbe, que nous avons à déchiffrer.
Pour prendre conscience du caractère insolite de ce qui nous entoure, il n'était pas nécessaire de concevoir un "au-delà". Le surnaturel et l'incompréhensible commencent au ras du sol.
A partir de la constatation la plus banale, la plus familière, ma raison basculait. Par exemple quand je considérais la succession naturelle de nos jours et de nos nuits.
Le jour, ce jour souvent exaltant qui nous maintient attentif à tout ce qui se manifeste, la nuit où, par le rêve, notre intelligence égarée s'enfonce dans nos propres ténèbres, — cette alternance coutumière n'a rien de rassurant. Ce n'est pas une certitude satisfaisante pour la raison. C'est l'image même des contradictions insolubles qui nous sont imposées et entre lesquelles nous nous débattons sans relâche.
Dès lors, ce grand spectacle, plein de vacarmes et de tumulte, et qui, pourtant reste muet, devenait un prodige permanent, où les êtres et les choses tour à tour se montrent  et disparaissent, comme les traces fulgurantes d'une réalité contradictoire toujours insaisissable qui, dans le même instant, existe et n'existe plus.
Aussi, n'est-il pas étonnant que ma prime jeunesse, vouée à une certaine solitude et partagée entre le naïf plaisir de vivre et certains moments de rêverie qui confinaient à la stupeur ou à l'angoisse, ait été peuplée de figures énigmatiques mais parlantes qui prenaient l'apparence d'un paysage ou d'un être vivant, — arbre, insecte, animal, —d'un objet inanimé ou d'une face humaine pour masquer ce tremblement irréductible qui me faisait signe, comme une eau glauque au fond d'un puits.
Acteur involontaire de la pièce, j'en admettais les surprises et les détours sans me révolter, mais je ne me contentais pas du rôle de spectateur.
Une voix secrète, que j'ai entendue très tôt et qui m'a parlé toute ma vie, m'ordonnait avec une autorité douce mais sans réplique, de chercher, sinon à comprendre, du moins à "traduire" la langue inconnue que cet univers confondant semble nous faire entendre sans nous en donner la clé.
Les termes de ce langage, en fait, ne sont pas des paroles mais des actes d'une violence inouïe: ceux du dehors, comme les cataclysmes et les splendeurs de la nature, les crimes et les fatalités cruelles de l'Histoire, ceux du dedans, comme le ravissement de l'amour qui accompagne toute naissance ou l'insupportable férocité de la souffrance qui prélude à toute mort.
Au milieu du tohu-bohu qui nous entoure et nous secoue, resplendissaient les arts créateurs, dont le rôle est de transformer cette violence et cette douleur en signification, d'apprivoiser même l'horrible pour en faire un breuvage enivrant, de même que la distance change en un jour d'été radieux l'insoutenable incandescence du soleil.
Pour ma part je n'avais ni le don de peindre les miracles du visible, ni d'inventer des sortilèges auditifs, mais j'étais fasciné par le langage poétique, proche de la musique par ses sonorités et ses cadences, proche du dessin par le tracé des signes."
Jean Tardieu, Margeries. Poèmes inédits (1910-1985), Avant-propos p.7-9, Gallimard, 1986

mardi 17 mars 2009

Le Printemps des poètes avec Christiane Veschambre

Valence, le 14 mars 2009
14h. Forum de la Médiathèque.
Elle est là debout, de noir vêtue, dans la salle, discutant. Nos regards se croisent. Sourire irradiant. On s'embrasse. 
Son regard attentionné, accueillant, le même qu'autrefois, la même intensité, la même invitation à "être" ce qu'on est, sans apparat ni autres formalités de surface.
Je regarde à ma montre.
— Il est temps qu'on te laisse, n'est-ce pas ?
Elle acquiesce avec un sourire.
La salle n'est pas pleine, qu'à cela ne tienne. Le public présent (de tout âge) prend place autour des tables  disposées simplement comme dans un café, certains sont assis à même les marches.
Silence.
La suite est inracontable!
Sinon une Voix!
Une voix nue qui éclaire la banalité du quotidien de Robert et Joséphine.(1)
La salle est presque recueillie. 
J'écoute, les yeux mi-clos. A mes côtés, Renée, venue exprès de Paris, semble très concentrée. 
Robert et Joséphine excèdent les mots du poème, ils sont présents, rendus vivants par le souffle de la voix dont ils sont la source, bien qu'elle soit distincte.
La banalité du quotidien, ai-je écrit. Mais, n'est-ce pas cela la Vie même, le vivant vrai, comme dirait l'auteur ?
Nul spectacle ici. Juste une voix qui donne vie, comme elle-même a été enfantée un jour par ces deux-là!
"Toute voix humaine répond, toute inauguration est en souffrance et en passion sous une voix antérieure qu'elle n'entend qu'en lui répondant, qui la précède et qui l'excède. Elle ne parle qu'en écoutant, elle n'écoute qu'en répondant, et ne continue de parler que parce qu'il n' y a pas de réponse plénière ni parfaite, pas de réponse qui ne soit au plus intime d'elle-même en défaut et en retard sur ce qu'elle seule fait entendre." (2)
Applaudissements nourris! Combien cela a-t-il duré ? Trois quarts d'heures, une heure ? Le temps ne compte pas ici. Robert et "la non née" nous ont captivés, peut-être adoptés. Quoique morts, ils sont devenus, l'instant d'un poème, nos propres parents!
Qu'ils reposent maintenant en paix, et que la poésie de Christiane Veschambre vive longtemps, longtemps. De cette vie qui se relaie de lecteur en lecteur, en communion d'esprit et de cœur.

(1) Christiane Veschambre, Robert et Joséphine, Les éditions Cheyne, 2008
(2) Jean-Louis Chrétien, La voix nue. Phénoménologie de la promesse, Les éditions de minuit, Paris, 1990, p.7


samedi 7 mars 2009

Citation du jour

"Soit la lumière. La Création c'est le devenir-lumière de l'être, quand il se sépare assez (de lui-même) pour rencontrer l'acte possible.
Reprenons l'énoncé: "Dieu dit: Que la lumière soit. Et la lumière fut."
(…) Entre l'appel et la lumière, entre l'appel d'être et l'éclairement qu'il produit, il y a ce "et" qui, dans la Bible, fait tourner le temps, amène l'avenir au passé et le passé à l'avenir via la parole de la Présence. Cette réponse à l'appel de lumière ("et soit la lumière") est donc aussi un événement: l'effet-lumière de l'être…qui a lieu dans les deux sens du temps (soit et fut la lumière).
Soit la lumière est l'événement où il est dit que la lumière concerne l'être. Elle le concerne dans son devenir premier, minimal ; dans le geste où il sort de lui-même, c'est-à-dire où il vit. C'est le premier signe de l'être vivant ; le premier temps vivant de l'être. 
Ces deux premiers mots de YHVH méritent qu'on s'y arrête.
"Soit" est l'être impératif, le pur appel d'être. L'événement est à deux temps: l'être se rend lumineux sur fond de chaos et de ténèbres ; l'être se rend à l'appel qui le rend lumineux, en retour. Une secousse d'être a eu lieu.
Est-ce autrefois ? dans la fois qui toujours est autre ? il y a des millions d'années ? ou dans un temps immémorial et créatif ? 
L'essentiel de l'événement est qu'il soit "visible", éclairant et éclairé. Ici, l'événement est lui-même la lumière. La création — toute création — s'inaugure par l'événement où l'être se fait lumière. 
Par ce dire — "soit la lumière" — l'être prend place dans une mémoire, pour s'y produire encore en d'autres temps, lors d'autres illuminations ; par exemple, devant un texte obscur qui soudain va s'éclairer ; ou une situation glauque qui est une sorte de texte indéchiffrable. Soudain: soit la lumière! 
Mais le but n'est pas d'être dans la lumière, c'est de passer par elle ou de faire qu'elle se passe ; quitte à passer vers d'autres ombres. Là est le point créatif.
Pour chacun, la création c'est la rencontre de ce qu'il a fait en son "absence" quand il passait du côté de l'Autre, sur le chemin d'un certain retour à soi. Ici, puisque c'est d'être qu'il s'agit, il y va du retour à l'être."
Daniel Sibony

samedi 28 février 2009

EVENEMENT

Le Printemps des poètes
du 3 au 14 mars
à la Médiathèque Publique et Universitaire de Valence.

Attention! Samedi 14 mars-Médiathèque
Sonnets de clôture
Le Petit Marché de la poésie, de 10h à 17h
Tout au long de la journée, découvrez le monde de la poésie grâce aux libraires et éditeurs de la région.
Christiane Veschambre, à 14h
vient lire son dernier recueil "Robert et Joséphine"
(rien que pour cela, ça vaut le déplacement, je vous assure!)

La fête des mots, à 15h
Les lauréats du concours seront récompensés et invités à nous faire partager leurs écrits.

Alors, tous à Valence ? Chiche!

samedi 14 février 2009

Citation du jour

"Jamais, quand c'est la vie elle-même qui s'en va, on n'a autant parlé de civilisation et de culture. Et il y a un étrange parallélisme entre cet effondrement généralisé de la vie qui est à la base de la démoralisation actuelle et le souci d'une culture qui n'a jamais coïncidé avec la vie, et qui est faite pour régenter la vie. (…)
Le plus urgent ne me paraît pas tant de défendre une culture dont l'existence n'a jamais sauvé un homme du souci de mieux vivre et d'avoir faim, que d'extraire de ce que l'on appelle la culture, des idées dont la force vivante est identique à celle de la faim.
Nous avons surtout besoin de vivre et de croire à ce qui nous fait vivre et que quelque chose nous fait vivre, et ce qui sort du dedans mystérieux de nous-mêmes ne doit pas perpétuellement revenir sur nous-mêmes dans un souci grossièrement digestif".
Antonin Artaud, cité par Bernard Ginisty, in collectif Polyphonie. Etats Généraux de la Gestalt-thérapie, éditions  de la Gestalt-thérapie, 2009, p.390

samedi 10 janvier 2009

Le moment présent…

"Dans Journal d'un bébé un bébé imaginaire de 9 mois joue dans une flaque de soleil sur le plancher. Cela constitue pour lui un riche monde sensoriel multimodal. Il tente de lécher le soleil par terre. Sa mère l'interrompt brutalement et lui dit : 
—"C'est juste du soleil, chéri. Ça se regarde, c'est tout. Ce n'est rien que de la lumière par terre. Ce soleil ne se mange pas. C'est sale."
Si l'enfant imaginaire avait pu comprendre ses paroles, il se serait dit une chose du genre :
—"Chacun de ses mots est un coup amorti qui fait voler mon espace en morceaux."

"Juste du soleil" —mais c'était ma flaque, ma flaque à moi!
"Ça se regarde, c'est tout." Mais je l'ai entendu. Je l'ai senti aussi!
"Rien que de la lumière par terre." Comment cela ?
"C'est sale." Mais j'étais dedans.

Lorsque la mère se tait, tout est en morceaux. Le monde originel s'est désintégré.
On gagne et on perd quelque chose en mettant des mots sur l'expérience. On y perd en plénitude, vérité ressentie, richesse et honnêteté."

Daniel N. Stern, Le moment présent en psychothérapie. Un monde dans un grain de sable, p.173. Odile Jacob, 2003

 Nous sommes au téléphone depuis une dizaine de minutes, je ne suis pas du tout à l'aise : —Attends s’il te plaît, lui dis-je, donne-moi...