jeudi 21 février 2008

Citation du jour

"Comme c'est curieux! on est conduit, on ne conduit pas. Je ne suis qu'un serviteur."
(Henri Matisse, Ecrits et propos sur l'art, Paris, Hermann, 1972, p.272)
 
"On ne conduit pas"!
Cela donne envie de visiter la Chapelle de Vence où Matisse, aux dires de certains, ouvre la peinture à l'expérience qui "ne saisit rien", où rien ne se retient. 
Nous sommes ici dans le don.
Point de poids à porter! 
On laisse venir ce qui vient ou être ce qui est.
Et ce qui vient alors, ce qui naît du pinceau de l'artiste, s'appelle l'inattendu! 
L'oeuvre d'Art!
Tiens!
"Comme c'est curieux! on est conduit, on ne conduit pas…"



3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bravo Matisse ! Je pense, comme lui, que la véritable création artistique ne se conduit pas. Ne rien vouloir seulement laisser être, et quelque chose émerge car nous sommes ainsi plus réceptifs à ce qui se passe. C'est merveilleux et ça renvoie l'homme à sa propre beauté.
Si nous pouvions de temps en temps abandonner la maîtrise, nous dé-lier de ce qui nous entoure et laisser être tout simplement (mais pas si simple que ça).
Cette réflexion m'amène vers la pensée de Maître Eckart sur le détachement : avant l'amour, l'humilité, la miséricorde. "Si le cœur détaché se tient au plus élevé, il faut que ce soit sur le néant, car c'est là qu'est la réceptivité la plus grande". Se débarrasser de tout ce que nous avons acquis pour devenir "pauvre en esprit" et laisser être Dieu...
Mais je ne vais pas plus avant et laisse place aux théologiens...

Alkaly Cissé a dit…

Tu as raison, RR, nous ne sommes pas si loin de l'expérience du "détachement" à laquelle nous convie Maître Eckhart.
L'amour-l'humilité-la miséricorde inclinent l'homme à "sortir" de lui-même, à se répandre au-dehors, à dépendre en quelque sorte de l'extérieur, alors que l'homme vraiment détaché ne demande rien, et ne veut être "ni ceci ni cela".
Maître Eckhart va encore plus loin: "ce que l'amour a de meilleur, c'est qu'il me force à aimer Dieu, alors que le détachement force Dieu à m'aimer". Comment cela ? Eh bien parce que "Dieu peut se relier plus intimement à moi et mieux s'unir à moi que je ne pourrai m'unir à Dieu. Que le détachement force Dieu à venir à moi, je le prouve ainsi: toute chose aime à être dans le lieu qui lui est naturel et propre. Or le lieu naturel et propre de Dieu est l'unité et la pureté, et c'est ce que produit le détachement. Il faut donc nécessairement que Dieu se donne à un coeur détaché".(les réf. sont dans Maître Eckhart Les Traités, trad. J.A-Hustache, p.177).
Pour en revenir à Matisse, on pourrait en effet traduire son expérience en terme d'abandon, comme tu le fais, au sens de renoncement à toute maîtrise de cela qui fait signe, qui cherche à ad-venir! l'Oeuvre d'art n'est pas recherchée pour elle-même, elle apparaît au terme d'un processus qui échappe, dans un sens, au contrôle de l'artiste. Mais ce terme d'abandon chez Maître Eckhart, implique non seulement le fait de renoncer à quelque chose, mais plus fondamentalement encore un état: n'abandonne vraiment, que celui qui s'abandonne lui-même!
Voilà, à toi. Et/ou à d'autres qui veulent poursuivre ce dialogue (déjà fort intéressant) à plusieurs.

Anonyme a dit…

S'abandonner soi-même, c'est laisser être Dieu, car nous n'existons que parce qu'il nous donne d'exister. Sans Lui nous ne sommes rien, nous n'existons pas, c'est lui qui vit en nous. Maître Eckhart nous dit que ce n'est que dans le détachement que nous Le laissons être en nous : "Dieu n'opère pas de façon égale dans tous les cœurs; il opère selon qu'il trouve disponibilité et réceptivité" .
De même il nous dit qu'un cœur détaché ne prie pas, si non il désirerait quelque chose de Dieu : " sa prière n'est rien d'autre que de n'être qu'une seule forme avec Dieu"
Bien que nous arrivions à comprendre la réflexion qui mène au détachement, aurions-nous le courage de cette confiance jusqu'au niveau le plus élevé ?
Mais avant d'en arriver là il est de nombreux niveaux intermédiaires auxquels nous pouvons progressivement accéder pour notre plus grand bien à tous.
Voici mes réflexions pour ce soir, avant de lâcher prise !

 Nous sommes au téléphone depuis une dizaine de minutes, je ne suis pas du tout à l'aise : —Attends s’il te plaît, lui dis-je, donne-moi...